vendredi 17 juin 2011

Xénophobie, racisme, la faiblesse et la honte de l’humanité (suite et fin)

Longtemps instinctive et spontanée, l’attitude des Européens face à l’autre partie de l’humanité suspectée de n’avoir pas une âme humaine, avait fini par secréter une idéologie qui la justifiait. C’est cela le racisme. Il parait la conséquence, et comme l’effet pervers du haut degré de développement atteint par ces sociétés. De telles sociétés prennent alors de haut celles qui se trouvent à un niveau de développement inférieur selon leurs critères. C’est ainsi que, longtemps avant l’essor industriel de l’Europe, les Européens étaient aux yeux des Chinois des parfaits sauvages, or la sauvagerie consiste essentiellement dans l’inaptitude à s’ouvrir à la différence. Dans cette interprétation, on peut se demander si les Noirs d’Afrique sont xénophobes et sauvages. Le R.P. Antonio Cavazzi, missionnaire au royaume de Kongo au début du XVIIe siècle rapporte ce que pensaient les indigènes de ce pays à propos de la classification des groupes humains, selon leur ordre de création par Dieu. Comme il leur demandait qui selon eux qui du Blanc ou du Noir sortit le premiers des mains de Dieu, sans l’ombre d’une hésitation, ses interlocuteurs lui répondirent que c’était l’homme Kongo (le Noir donc). A la vérité, rien de raciste là-dedans. Les interlocuteurs du missionnaire voulaient simplement dire que dans la famille humaine le Noir était l’aîné du Blanc, avec pour lui, comme dans la famille africaine, la responsabilité et la charge de veiller sur son cadet le Blanc. Les Kongos en effet refusent la classification des humains dans l’ordre ontologique : ka kwena zala dia bantu ko (il n’existe pas de décharge pour hommes, un homme reste un homme). Les hiérarchies sociales et les différences biologiques ne sauraient en tenir lieu. Aussi bien, la différence chez les Noirs n’est pas objet de crainte qui provoque repli sur soi ou agression. Pigafetta, marchand Italien qui séjourna au royaume de Kongo au milieu du XVIe siècle, pendant plus de dix ans, rassembla pour la connaissance de ce pays une abondante documentation. Son compatriote Duarte Lopez la publia en 1591 sous le titre de Description du royaume de Kongo et des contrées environnantes. Pigafetta y dit le haut niveau d’organisation politique du pays et note le caractère sociable des habitants. Il rapporte la chaleur de l’accueil que le roi de Kongo réserva au Portugais Diego Cao et à ses compagnons en 1482. Le roi nègre n’attaqua pas ces étranges étrangers (les Kongos voyaient des Blancs pour la première fois), ni ne se sauva de devant eux. Il organisa au contraire, en leur honneur une brillante réception ; puis leur donna l’autorisation de s’installer dans son pays s’ils le désiraient.

Le comportement des indigènes de Kongo vis-à-vis des Portugais et des Blancs rencontrés pour la première fois révèlent les racines anthropologiques du racisme. Il est peu probable que, même séparés par des différences biologiques nettes, des groupes humains et des sociétés de même niveau social et culturel entretiennent des rapports racistes de rejet. Xénophobes, oui, puisque qu’il s’agit d’un penchant naturel, que des rencontres suivies corrigent progressivement. Ils se découvrent, et se reconnaissent humains. Les Kongos n’étaient pas encore informés de la supériorité technologique de leurs hôtes Portugais que, à leur première rencontre ils prennent simplement pour des hommes comme eux, sauf qu’ils avaient une curieuse couleur de peau, que bientôt tous les Portugais et tous les Blancs allaient mettre à leur avantage et en faire un indice de leur supériorité morale et intellectuelle sur les non-Blancs. Il est un fait, la prise de conscience de son importance socioculturelle par un groupe et la confiance en soi qui en résultent placent généralement le groupe en question sur la pente inclinée qui conduit à la xénophobie. Celle-ci peut se développer en racisme si ce groupe se trouve face à d’autres groupes dont il juge le niveau de développement inférieur au sien et par ailleurs présentant par rapport à lui des différences biologiques prononcées. Dans cette logique les Noirs d’Afrique restent eux-aussi exposés à la xénophobie et au racisme, dont jusqu’à ce jour, les a préservés leur bas niveau de développement culturel et social. On peut donc dire que comme la philosophie qui les désapprouve, la xénophobie assumée et plus loin le racisme en lequel elle s’achève, s’enracine dans la matière.

Aucun commentaire:

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.