mardi 14 juin 2011

Les différences biologiques des Africains subsahariens fondent-elles le désintérêt des Occidentaux pour leur développement ?

L’Occident se mobilise pour aider la Tunisie et l’Egypte à bâtir une démocratie. Il faut applaudir à cet élan d’humanité et étant Africain, je me réjouis pour ces deux pays. On doit en revanche regretter qu’il n’ait jamais manifesté le même engouement pour l’Afrique subsaharienne, qui se trouve dans une situation sociale pire que celle de la Tunisie et de Égypte. S’agit-il d’un simple problème de proximité géographique ? Ou bien le rapport de proximité racial y est-il pour quelque chose ? On ne laisse pas tomber des frères. Et puis, mal développé le Maghreb arabe deviendrait à la longue un espace de désordre et un repaire de terroristes dangereux pour l’Occident. Mais l’Afrique noire c’est autre chose. Sur le plan géographique c’est loin de l’Occident ; c’est loin surtout sur le plan racial. L’élan de compassion et de sympathie est difficile. Et puis il y a cette longue histoire qui est venu compliquer la représentation du Blanc par l’occident et sa relation à cette Afrique là. De sorte que seule une éducation attentive pourra corriger l’image négative que l’Occident s’est fabriquée de cette Afrique là.

Le changement de regard de l’Europe sur l’Afrique noire sera difficile parce que les travaux de mauvais savants avaient élaboré une classification des groupes humains dans laquelle les Noirs occupent le bas de l’échelle sur laquelle Hegel les condamne à ne jamais monter d’un seul degré. Le plus grave c’est que les savants Européens de la fin du XIXe et du début du XXe siècles ont la conviction que la couleur de la peau des Noirs est le symbole de dispositions intellectuelles et morales faibles. C’est grave aussi parce que sur de longues générations en France, l’instituteur de la troisième République a mis dans la tête de milliers d’écoliers l’horrible aberration. Bien apprise la leçon allait façonner le regard collectif. Cela explique que, sans vergogne, la France des humanistes osa monter en 1930 et en 1932 des expositions universelles où le visiteur pouvait voir, comme des curieuses bêtes sauvages, des Noirs en cage. Afin qu’il vit de ses yeux vus, et comprit à partir de ses caractéristiques biologiques étranges, que le dernier rang où les savants classent la race noire était fondé en raison. Certes, depuis, des lois ont été édictées qui reviennent sur l’erreur des savants désapprouvés et réhabilitent le Noir réintégré dans l’humanité. Trop tard, la conviction s’était faite sur la différence de sa destinée par rapport à celle de l’Européen. Einstein disait qu’il est plus facile de casser un atome que de détruire un préjugé. Aujourd’hui mêmes pauvres et sans instruction, combien d’Européens peuvent se faire la conviction que le Noir est leur égal en humanité ? Cette égalité en humanité, même ceux qu’au temps de l’Afrique coloniale en appelait les petits Blancs l’ont jusqu’au bout contestée aux Noirs cultivés. Et je suis toujours troublé chaque fois que je rencontre une femme blanche au bras d’un Noir, ou une négresse au bras d’un Blanc. Serait-ce donc que l’amour fait mentir la sottise et prend sa revanche sur elle ?

Ce qui amène des groupes humains à se rejeter ce sont leurs différences. Celles-ci sont de deux sortes : les culturelles et les biologiques. De ces deux différences, les biologiques sont celles qu’un groupe accepte le plus difficilement ; du moins pour les groupes humains qui font des différences biologiques le critère de classement des humains. En s’attribuant subjectivement bien sur la bonne différence érigée en référence universelle. Voila pourquoi le Noir qui, à partir des différences biologiques, n’a jamais pensé que les hommes sont ontologiquement différents n’a pas de reflexe raciste si ce n’est de façon réactive. Il est tout juste xénophobe comme tout le monde parce que c’est naturel. Il semble donc que le désintérêt dont l’Afrique subsaharienne est l’objet de la part de l’Occident lorsque d’horribles dictateurs oppriment des peuples qui n’en peuvent mais, a un fondement anthropologique : les Noirs ne sont pas comme les autres hommes, qu’ont-ils besoin de démocratie ? Et quoiqu’ils fassent, aux yeux des Européens ils sont toujours suspects de porter une part d’humanité moindre qu’eux. Ou alors qu’ils fournissent la preuve du contraire !

2 commentaires:

Liss a dit…

Au vu de l'élan de solidarité qui s'est immédiatement manifesté, la mobilisation internationale autour des pays du Maghreb qui veulent se défaire de leurs dictateurs, on est en droit de se demander pourquoi cela n'a pas été le cas pour les pays d'Afrique noire. L'idée de proximité raciale, ainsi que celle que le sort des Noirs, considérés longtemps comme des sous-hommes, est tout à fait fondée, mais je rajouterais une chose qui renforce un point soulevé dans le billet (la menace terroriste) : l'Afrique est le marche-pied de l'Occident : c'est ce dernier qui y fait la pluie et le beau temps, alors les Noirs ont beau s'entretuer ou leurs chefs ont beau les maltraiter, du moment que leurs intérêts ne sont absolument pas inquiétés, ce n'est pas demain que les Occidentaux se soulèveront... Les présidents de ces pays sont leurs valets, ils servent leurs intérêts, alors pour eux, il n'y a pas le feu à la baraque ! Mais que ces chefs jouent au bras de fer avec l'Occident comme l'a fait par exemple pendant longtemps Kaddafi, alors ils trembleront et auront tout intérêt à le voir abattu.

Cunctator a dit…

Il faut donc à l'Afrique des dirigeants fiers et responsables. Des gens qui démontrent un profond respect de leurs peuples, courageux et constants dans leurs devoirs. Cela suppose des personnes cultivées, des personnes dont l'âme a été érigée avec soin et labeur afin qu'elles deviennent des dirigeants sages, conscients et respectueux de leur mission. L'Occident s'amuse parce qu'elle n'a en face que des plaisantins et des petits chefs.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.