jeudi 10 octobre 2013

Drame de Lampedusa : l’inadmissible silence d’une Afrique apathique


Une embarcation coule en Méditerranée, au large de l’île italienne de Lampedusa. Près de 400 morts. Des Africains. Embarrassés par le drame, touchés aussi sans doute, les gouvernements européens décident de se rencontrer afin d’envisager des solutions à ce drame qui depuis bien longtemps maintenant brasse des et des tas de victimes, tandis que du côté de chez les Africains indolents et apathiques on ne cille même pas d’un œil. C’est épouvantable ! C’est d’autant plus épouvantable que les victimes, en mal de dignité dans leurs pays d’origine, qui font un voyage de tous les dangers au cours duquel elles sont aux prises avec non seulement la chaleur des déserts, la soif, la faim et à toute une horde de maux, auxquels s’ajoutent les tracasseries des passeurs, sont des Africains.

La solidarité est dit-on une valeur partagée en Afrique, mais, il semble que cette solidarité doive plutôt être rangée du côté de la fable tant, au niveau de ses dirigeants du moins, on en voit pas la moindre trace. Autrement le drame de Lampedusa et en général le drame permanent que vit ce continent champion des rôles malheureux dans le théâtre de l’humanité susciterait un merveilleux élan de compassion, sinon une détermination à envisager des solutions concertées à la litanie de problèmes, pour la plupart locaux, certes, mais aux conséquences continentales. Les Italiens choqués, peinés, affligés par cette noyade massive de trop ont décrété une journée de deuil national. Pas un seul équivalent en Afrique , même pas un message sympathie à l’attention des pays endeuillés. C’est un scandale que les Africains ne se mettent en branle qu’après que les Occidentaux se sont intéressés aux difficultés, aux catastrophes, aux tragédies africaines. C’est une honte que ce continent qui se veut moderne et dont nombre d’intellectuels promeuvent le panafricanisme, n’arrive pas à mettre en place de véritables logiques d’intégration et de coopération. L’Union Africaine, créée en vue « d’accélérer le processus d’intégration sur le continent afin de permettre à l’Afrique de jouer le rôle qui lui revient dans l’économie mondiale, tout en déployant des efforts pour résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques multiformes auxquels elle est confrontée»[1] manque terriblement à sa vocation. Aucune rencontre au sommet n’a été programmée pour discuter du triste phénomène dangereux dont les victimes de Lampedusa ne sont pas les dernières.

Ce n’est pas une Afrique si irresponsable et méprisable qui arrivera à donner de la voix au niveau mondial et à se faire respecter. Une Afrique bourrée de cancres et d’imbéciles fieffés à la direction d’Etats, confondant la gestion et les intérêts de ceux-ci avec ceux de leurs obscurs villages. Comment en effet se faire respecter si on n’arrive même pas régler ses propres problèmes. Enfermés dans une mentalité d’enfants à qui il faut sans cesse tenir la main, les dirigeants Africains, dont certains se voient émergeants dans un peu plus d’une décennie sont, doivent céder la place à une nouvelle classe de dirigeants qui sache que ça implique ce que ça implique d’être capitaine d’un pays.

Ces migrants fuient la pauvreté, la misère, le dénuement desquels leurs princes et le reste de l’Afrique solidaire et unie peinent à les sortir. Mais comment les en sortir, si certains pays n’ont en pas les moyens ? En effet beaucoup d’Etats africains, n’ayant plus d’Etat que le nom, ou ne ressemblant à un Etat qu’autour des grandes villes où quelques infrastructures et bâtiments administratifs en état de délabrement avancé tiennent lieu de cache misère. Nombreux sont les Etats en Afrique qui n’en sont plus si l’on considère les fonctions régaliennes traditionnelles et les missions de service public. Au-delà des villes (dans certaines villes aussi) c’est le désert, un no man’s land administratif et socio-économique. Conditions donc d’une précarité qu’on a peine à qualifier tant elle est inouïe. De tels Etats sont incapables de garantir le minimum requis à leurs populations, qui comptent parmi les plus pauvres de la planète.

Compréhensible pour les Etats pauvres, sans ressources naturelles stratégiques, sans atouts naturels propices au tourisme par lequel ils pourraient engranger quelques devises ; ça ne l’est cependant pas pour les Etats riches que ne minent pas des conflits armés interminables empêchant l’Etat de s’organiser et de se hisser vers le progrès. Des Etats riches, mais plombées par le pillage sans scrupule des ressources financières directement préemptées par les ayants droits à titre universel que sont les hommes au pouvoir et leur entourage immédiat. Des Etats riches dans lesquels il ne fait pas bon vivre parce que dirigés par des régimes autoritaires, dans lesquels, outre les violations permanentes des droits et libertés fondamentaux, la majorité de la population n’a pas le sentiment de la dignité, parce que mal nourrie, mal logée, mal éduquée, mal soignée, et par-dessus le marché, brutalisée si elle ose revendiquer quoi que ce soit. Comment ne pas avoir le gout du lointain quand plus rien, même pas le rêve d’un avenir meilleur ne nous est proposé chez nous ?

Cunctator.



[1]  L’Union Africaine en bref, http://www.africa-union.org/About_AU/fmuaenbref.htm

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.