lundi 24 décembre 2012

Culture, sociétés, christianisme face au problème de l’homosexualité

Depuis quelques décennies, la pratique ouverte et revendiquée de l’homosexualité divise fortement le monde et les sociétés. En Occident même où, jusqu’à tout récemment, elle fut longtemps combattue comme perversion sexuelle intolérable, elle a fini par être reconnue comme comportement sexuel tout à fait normal. Pour un public occidental de plus en-plus large, l’homophilie a cessé d’être une espèce de maladie honteuse, au même titre que la lèpre dans les sociétés anciennes et au Moyen-Age où les individus qui en étaient affligés étaient frappés d’ostracisme.

Se fondant sur le postulat évolutionniste de l’anthropologie culturelle de la fin du XIXème siècle, et s’érigeant en modèle social universel, l’Occident ne se prive pas, depuis, de traiter d’arriérés culturels et d’attardés de l’histoire, les sociétés et les cultures (nègres et arabes notamment) qui frappent d’interdit l’homosexualité, au même titre que l’inceste. La leçon a porté ses fruits; et, aujourd’hui, ayant pris à leur compte et intériorisé le postulat colonialiste et raciste selon lequel le Nègre ne peut s’humaniser que sur le modèle social et culturel-de l’Occident européen, il se trouve, parmi l’élite africaine, des intellectuels pour, au nom des droits de l’homme, exalter l’homosexualité.

L’humanisme, à la suite du poète latin, nous enseigne à ne nous étonner de rien de ce que l’homme fait. Mais, est-ce-à dire qu’il faut tout accepter? La raison et le bon sens qui sont les moyens de réalisation de notre humanité ne nous imposent-elles pas des limites au-delà desquelles le chemin bifurque pour conduire à la déshumanisation?

On peut, en effet, sur le plan social et du bonheur que poursuit l’homme, et bien entendu sur le plan philosophique, se demander si l’homosexualité non raisonnée, anarchique (le mariage gay est une forme d’anarchie), peut ouvrir sur une humanité vivable sérieusement, tant elle comporte des contradictions.

La première contradiction saisie au cœur de la démarche homosexuelle étant ce violent désir de procréation et de descendance qu’on sait impossible en dehors de l’union d’un homme et d’une femme; union que, justement, les homosexuels ont en horreur. Sur le plan philosophique, depuis Héraclite d’Ephèse, il est affirmé que l’équilibre de l’univers repose sur l’articulation des contraires. L’homosexualité est ainsi promesse de déséquilibre et de désordre, pour cause de violation d’une loi naturelle, et d’après Héraclite, divine.

Social et humain, le rejet des semblables dans le rapport des sexes paraît phénomène naturel et, donc, normal, vérifié dans la majorité des cas. D’instinct, il semble que les éléments affectés des mêmes signes se repoussent automatiquement. Il apparaît, alors que même si les Occidentaux, à la suite de débats biaisés, sont convaincus du contraire et enracinent des certitudes sur l’invérifiable, l’homosexualité, sans être une pathologie, relève de l’anormalité.

Dans sa société qui la pratiquait ouvertement, l’encourageait même comme procédé pédagogique excellent, Socrate, l’Athénien, (Vème siècle avant notre ère), le fondateur de la philosophie (forme de la culture qui donne à celui qui s’y ouvre les moyens d’une réflexion systématique sur les problèmes de son temps) prend ses distances vis-à-vis de l’homophilie, au grand étonnement de ses disciples. Il la jugeait secrètement indigne de l’homme.

La phénoménologie de la tristesse dont est souvent accompagné le spasme du coït même entre sexes opposés nous en apprendrait beaucoup sur notre sexualité, son sens profond. Nous touchons ici au mystère dont malheureusement l’Occident a perdu le sens.
Les Ecritures sont claires qui condamnent, de façon irrévocable, l’homosexualité.

Dans l’idéal de perfection que poursuit Socrate, une telle pratique n’apparaît pas le plus sûr moyen pour avancer sereinement. Ce donc qui manque à l’Occident qui approuve et exalte l’homosexualité, c’est, il me semble, le courage d’une réflexion systématique sur le bien fondé d’une pratique en Occident, même troublante aux yeux de bien des esprits.

Mais, l’exaltation en Occident de mœurs sexuelles qui choquent les Noirs, restés fidèles à leur culture, peut s’expliquer dans une société où la proclamation de la mort de Dieu et, de ce fait, la libération de la croyance en une transcendance et en un absolu, pendant longtemps garant du sens de la pensée et de l’action humaines pousse l’individu à en faire, en quelque sorte, à sa tête; s’instituant, à la suite des sophistes grecs, la mesure de toutes choses, sans référence à aucun ailleurs et à aucune norme extérieurs à lui, se donnant ses propres lois, inventant ses propres normes de conduite et ses propres valeurs.

Ce qui inquiète, c’est que, dans cet Occident en procès rapide de déchristianisation, des chrétiens se lèvent pour défendre, au nom de la démocratie et des libertés individuelles, des valeurs et des pratiques que leur religion condamne fermement. Il n’est pas difficile de voir dans ces prises de position de ces chrétiens, une radicale remise en question des fondements idéologiques de leur foi, vraisemblablement vécue de façon somnolente et mécanique dans une société consumériste et frivole. Les Ecritures sont claires qui condamnent, de façon irrévocable, l’homosexualité. Or, les Ecritures sont, pour les chrétiens, paroles éternelles qui demeurent, tandis que le temps qui passe emporte les sociétés. Un couple, c’est un homme et une femme dans leurs identités physiologiques différenciées et complémentaires. Pas un homme et une femme de substitution, auxquels, selon le cas, on fait jouer, comme au théâtre, le rôle d’homme ou de femme, juste le temps que dure la représentation.

La nature dont l’humanité paye aujourd’hui le non-respect des principes et des lois (le réchauffement de la planète, conséquence de l’hypertrophie de l’exploitation de la nature par l’homme) la nature avait disposé, de façon sans doute irrévocable, que l’équilibre dans toutes les sociétés de vivants, des végétaux aux animaux, reposerait sur l’organisation des individus en couples composés d’éléments sexuellement différenciés: des mâles et des femelles au plan physiologique et de l’anatomie authentifiés tels, mais qu’un instinct sexuel dévoyé dote des attributs du sexe opposé, et dont la rencontre ne produit pas autre chose, hors l’ivresse des sens que le vieillissement des corps emportera.



Pour toute société sérieuse, l’homosexualité reste une énigme troublante

L’homosexualité pourrait alors relever, soit de la culture (ensemble de représentations et de pratiques propres à un groupe social, liées en gerbes symboliques); le phénomène apparaissant majoritaire dans les classes aisées, cultivées, aux croyances religieuses plutôt vagues; soit, (comme un défaut de fabrication) d’une déviation de la tendance sexuelle normale de son objet propre. Dans les deux cas, nous marchons dos tourné à la nature; nous nous en séparons ou, du moins, nous révisons le lien qui nous rattache à elle.

Des chrétiens de plus nombreux, et tous ceux qui, jusqu’au mariage gay, ses formes extrêmes, défendent l’homosexualité, se fondent sur l’évolution inéluctable des sociétés humaines. Rien à dire là contre. C’est une évidence. Seulement, dans cette évolution inéluctable des sociétés, existent des éléments de permanence, réfractaires au changement, des invariants anthropologiques, qui relèvent de l’homme universel. L’homme n’y touche donc pas sans conséquences graves pour l’harmonie sociale. Invariant anthropologique, tout ce qui se rapporte au sexe et à la sexualité qu’à raison, les sociétés dites archaïques couvrent de mystère et de pudeur, mais qu’au nom d’un prétendu progrès de l’esprit humain, l’Occident désacralise.

Socrate, j’y reviens, en dépit de son irrépressible soif de connaissance des phénomènes de la nature et de la vie, garde ses distances vis-à-vis de l’homosexualité. Pour des raisons philosophiques, assez proches, par ailleurs, des raisons religieuses évoquées plus haut. Pour toute société sérieuse, l’homosexualité reste une énigme troublante qu’il faut chercher à résoudre avec d’infinies précautions, là où on cherche à lui trouver une légitimité.

La rançon de la raison et de l’intelligence humaine serait-elle donc que l’homme se donne la liberté d’aller dans le sens contraire de celui qu’indiquent ces deux facultés, pour faire des choses dont certains animaux même se détournent avec horreur? Et si l’homosexualité comme pratique sociale n’était qu’un problème d’éducation et de milieu social et culturel, comme ce fameux complexe d’œdipe que, du moins dans sa version et ses manifestations européennes, l’Afrique Noire de nos Pères pourrait n’avoir jamais connu, préservée, justement, par son système éducatif particulier et sa vision du monde?

L’homophobie est rangée, dans l’Afrique noire profonde, parmi les valeurs essentielles de sa culture. Du fait des contacts avec les sociétés et les cultures qui professent et pratiquent l’homophilie, un petit nombre d’Africains adoptent, certes, une position moins rigide, par rapport à cette question. Cependant, la profondeur de leur enracinement dans leur culture fait tenir à la majorité d’Africains l’homosexualité pour ce qu’elle est: une chose contre nature qui relève de la sorcellerie, tout simplement. Faire preuve d’humanité vis-à-vis des homosexuels, les tolérer, les accepter même ne signifie pas qu’on est d’accord avec eux. Les fondements philosophiques de leurs pratiques déroutent. Ou alors, il nous faut redéfinir l’homme. Ange ou bête? Les deux, sans doute. Mais, avec pour mission, pour lui, de sans cesse repousser la bête. C’est ce que Socrate avait compris. Le refus de céder à toutes les sollicitations du corps. N’en retenir que celles qui nous servent d’appui pour nous élever.

Dominique NGOIE-NGALLA



mardi 11 décembre 2012

Chronique des temps anciens et modernes : L’Afrique et ses experts

Le Tiers-monde en général et l’Afrique en particulier ont initié des politiques de formation des cadres dont on peut dire qu’elles se sont révélées efficaces. Ce sont souvent des cadres de haut niveau. Et toutes les administrations en sont pleines. L’on peut même dire que dans beaucoup d’entre elles, il y a pléthore. Ce qui conduit à des compressions douloureuses, surtout lorsque les institutions de Bretton Woods s’en mêlent! Mais, il est davantage douloureux de noter que maints cadres des pays africains sont peu ou pas du tout pris pour des experts, par leurs gouvernements. En effet, tout se passe comme si la formation des médecins, ingénieurs, magistrats, avocats, professeurs d’universités, journalistes et tant d’autres spécialistes nationaux n’avait vraiment servi à rien. D’autant plus que lorsqu’ils regagnent leurs pays respectifs, ils sont nombreux à se retrouver dans des cabinets rattachés à la présidence de la République, dans les ministères, les cabinets des ministres ou à la tête des entreprises pour lesquelles ils n’ont pas toujours reçu la qualification requise.

Bien entendu, l’accession à toutes ces structures de direction obéit, dans la plupart des cas, à des critères trop peu orthodoxes pour que l’on puisse s’empêcher de penser à un système relationnel fait de tout le subjectivisme imaginable. Néanmoins, le plus stupéfiant et le plus humiliant à la fois, c’est lorsqu’utilisant pourtant ces cadres, ces technocrates bardés de diplômes et frais émoulus de toutes les universités et grandes écoles de France et de Navarre, d’Orient, d’Occident et même de l’Afrique du Nord au Sud du Sahara, les pouvoirs publics ne leur font pas entièrement confiance.

En vérité, chaque fois que se ressent le besoin de constituer des dossiers stratégiques sur l’état de la nation, ces experts bien de chez nous ne comptent plus pour grand-chose. On leur préfère les experts d’Orient et surtout d’Occident; des fonctionnaires internationaux dont certains sont d’anciens condisciples avec lesquels ils ont rivalisé d’intelligence et de savoir-faire jadis et naguère. Les pouvoirs publics semblent toujours s’abstenir de mettre en compétition experts étrangers et nationaux. Mais peut-être sont-ils d’autant moins sûrs de leurs propres experts que parce qu’au moment de négocier, par exemple, des marchés à l’étranger, ceux-ci se sont plus souciés de leurs 10% que du développement de la nation.

Certes, mais certains experts étrangers ne sont experts en ceci ou en cela qu’autant que leur pays est une grande puissance et leur université ou école de formation et de spécialisation, prestigieuse. Car, le savoir qu’ils croient venir communiquer aux autochtones n’apporte quelque fois à ceux-ci rien qu’ils n’aient déjà su. De même, le «brillant expert» des bords de la Tamise, de la Seine et de l’Hudson est parfois si peu convaincant qu’il se contente d’énoncer des données intellectuelles trop inspirées de sa culture et de son milieu originels pour être utiles au pays hôte. Quoi qu’il en soit, ces experts venus d’ailleurs sont innocents de ce déjà su dont ils viennent nous rebattre les oreilles, puisque nous ne parvenons pas à convaincre nos pouvoirs publics que nous sommes compétents et valons n’importe quel Hyperboréen et n’importe quel Martien!

En fin de compte, seule nous aidera, la conscience que nous devons faire l’Afrique et le Congo par nous-mêmes. Il nous faut absolument forger cette conscience.

Antoine YILA, La semaine Africaine du 11 décembre 2012, Brazzaville, Congo.

Professeur de Littératures française et comparée à l'université Marien Ngouabi, Brazzaville, Congo.






Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.