Ayant été adoptée en 2001, pendant le premier mandat de M. Wade, on pourrait penser que la réforme constitutionnelle limitant à deux le nombre de mandats du Président de la République ne s’appliquerait pas au Président en exercice au moment de son adoption. Ce n’est pourtant pas le cas, et à ce sujet la Constitution sénégalaise est formelle : « Le Président de la République poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables ». Abdoulaye Wade doit partir, il le sait, mais tel ses pairs qui allongent leurs mandats à souhait par des modifications constitutionnelles, il est lui aussi un grossier homme d’état passé du statut de brillant opposant à celui de Président d’un régime corrompu. L’exemple de Mandela n’est peut-être pas assez à sa portée pour qu’il s’en inspire. Mandela, outre son statut d’avocat, est un homme cultivé et plein de dignité ; l’imiter suppose une sensibilité élevée et une aptitude au détachement digne d’un anachorète. Après un mandat, il s’est retiré d’un pouvoir que le peuple sud africain était disposé à lui accorder de nouveau. Chez lui la culture a accompli sa vocation de transformer l’homme vulgaire en un homme chez qui la noblesse et le bien l’emportent sur la bêtise et la mesquinerie. C’est encore ce grand Mandela qui évita à l’Afrique du sud de sombrer dans le chaos qu’eût provoqué la chasse aux Blancs et l’éviction de ces derniers de l’appareil économique sud-africain.
Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...
lundi 30 janvier 2012
La candidature d'Abdoulaye Wade, caricature de la pulsion grossière de s'éterniser au pouvoir
Ayant été adoptée en 2001, pendant le premier mandat de M. Wade, on pourrait penser que la réforme constitutionnelle limitant à deux le nombre de mandats du Président de la République ne s’appliquerait pas au Président en exercice au moment de son adoption. Ce n’est pourtant pas le cas, et à ce sujet la Constitution sénégalaise est formelle : « Le Président de la République poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables ». Abdoulaye Wade doit partir, il le sait, mais tel ses pairs qui allongent leurs mandats à souhait par des modifications constitutionnelles, il est lui aussi un grossier homme d’état passé du statut de brillant opposant à celui de Président d’un régime corrompu. L’exemple de Mandela n’est peut-être pas assez à sa portée pour qu’il s’en inspire. Mandela, outre son statut d’avocat, est un homme cultivé et plein de dignité ; l’imiter suppose une sensibilité élevée et une aptitude au détachement digne d’un anachorète. Après un mandat, il s’est retiré d’un pouvoir que le peuple sud africain était disposé à lui accorder de nouveau. Chez lui la culture a accompli sa vocation de transformer l’homme vulgaire en un homme chez qui la noblesse et le bien l’emportent sur la bêtise et la mesquinerie. C’est encore ce grand Mandela qui évita à l’Afrique du sud de sombrer dans le chaos qu’eût provoqué la chasse aux Blancs et l’éviction de ces derniers de l’appareil économique sud-africain.
mercredi 18 janvier 2012
Démocratie, repli identitaire et choix politique en Afrique noire
Le philosophe voit en la démocratie une aventure éthique. Les valeurs-pivot de ce régime politique (liberté, fraternité, égalité) sont ainsi des vertus dont doit s’orner le citoyen; à force de volonté et de lutte constante et acharnée contre les penchants naturels qui l’en éloignent. La culture, entendue comme le travail de soi sur soi pour s’humaniser, devenir sensible au vrai, au juste et au bien, et de les pratiquer. Donner une conscience à la brute que nous sommes à la naissance, en est le moyen. Le choix et l’exercice démocratiques sont, donc, impossibles dans une société de brutes ou encore à demie barbare. C’est vérité d’évidence dans la majorité des pays africains où l’appartenance groupale oriente le choix de la majorité des électeurs. L’intérêt général et la poursuite d’idéaux communs ne sont pas encore devenus la base de la mobilisation d’un électorat. C’est que, outre qu’ils sont encore des pays à demie barbares, les Etats africains sont des sociétés aux composantes opposées par des particularismes fortifiés et vivifiés par une gestion politique maladroite ou vicieuse. Et parce que, plus que ses militants, le leader politique n’est encore suffisamment libéré des entraves de l’idéologie de son groupe d’appartenance (ethnie) lui, qui devrait les y former, n’a que faire des valeurs démocratiques, et fait reposer ses chances de l’emporter sur ses concurrents (dont il a vite fait des ennemis), sur la capacité de riposte aveugle de son électorat, en majorité composé de sujets de même origine culturelle que lui et mobilisés autour de valeurs qui ne sont pas forcément des valeurs démocratiques.
Il n’est pas exagéré de penser que l’Afrique noire a encore beaucoup de chemin à faire. La démocratie étant faite pour les esprits libérés des entraves de l’idéologie de l’ethnie. Sa réalisation implique, en effet, les vertus de courage, de sagesse et de tempérance pour lesquelles l’Afrique noire indépendante n’a pas, jusqu’ici, montré beaucoup de goût. La longueur du chemin peut, cependant, être réduite grâce à une solide et courageuse éducation à la démocratie. L’effet attendu étant un affaiblissement assez rapide de notre barbarie et de notre sauvagerie, par l’intériorisation d’une meilleure image de l’autre différent, enfin accepté et respecté.
jeudi 5 janvier 2012
La démocratie n'est ni pour les gredins, ni pour les barbares: le déficit démocratique nécessite de reprendre le système éducatif
Aux VIIème – VIème siècles, avant notre ère, des penseurs, Anaximandre, Anaximène, Pythagore, Héraclite d’Ephèse, Thalès de Milet, entreprennent de penser le système de l’univers. Apparemment dans un but totalement désintéressé. En fait, inconsciemment, au départ du moins, ils y cherchaient la place de l’homme; ce dernier leur étant apparu comme la réplique en miniature de l’univers dont ils travaillaient à connaître la structure. La découverte des correspondances entre l’ordre de l’univers et la structure de l’homme par les chercheurs grecs fut décisive. Elle allait conduire à la définition du statut social de l’homme bientôt placé par les sophistes au centre de l’univers et mesure et référence de toute chose. Un tel statut éminent de l’homme appelait pour sa mise en application un ordre social spécifique qui lui fût conforme. La démocratie qui exalte la dignité de l’homme naquit ainsi de la réflexion de l’élite intellectuelle grecque. Elle découvre l’homme né libre, pour la liberté, et l’égal de tous ses semblables. Au VIème siècle avant notre ère, et à Athènes, la dure législation de Dracon apparaît comme l’application sociale concrète de la pensée abstraite des philosophes. A Athènes, l’aristocratie est dure à l’homme du petit peuple. En toute légalité, l’Athénien d’origine sociale modeste peut être réduit en esclavage pour dette. Dracon interdit l’inhumaine pratique et veille à l’application de la loi. Aucune surprise, dès lors, si, à l’abordage du Vème siècle avant notre ère, un noble, riche donc, Clisthène, fait adopter par l’assemblée, son projet de création d’un système politique qui place tous les Grecs d’Athènes (riches et pauvres, nobles, aristocrates et gens du peuple) à égalité de droits civiques. Longuement préparé à cette nouveauté bouleversante, la société d’Athènes, dans sa majorité, se jette sans rechigner, dans l’aventure démocratique. Les résultats ne tardèrent pas. Commence alors, pour la ville de Pallas Athéna, la plus grande époque de son histoire: essor économique incomparable, éclat des arts et des lettres, tout, sauf les choses de la guerre, sourit à Athènes, quand Périclès donne de la démocratique une définition que, jusqu’à nous, le temps qui passe et les sociétés qui changent n’ont pas écornée.
Que, plus qu’aucun autre régime politique parmi tant expérimentés à travers l’Histoire, la démocratie hante l’esprit et toutes les sociétés du monde, incline à penser que l’homme est fait pour elle. C’est dans la démocratie qu’il trouve, lorsqu’il peut tenir l’équilibre entre ses droits et ses devoirs, les meilleurs moyens de son épanouissement. Mais justement, pour y arriver, quel labeur! Quel travail d’éducation sans cesse recommencé pour transformer la brute que l’homme est à sa naissance en être humain civilisé, apte à avoir en société, des rapports de bienveillance fraternelle avec d’autres humains. Pour les barbares que nous sommes, la vie démocratique devient une vertu, au sens aristotélicien du terme: vertu comme l’habitude du bien. A force d’entrainement; une ascèse. L’on n’y parvient jamais totalement. L’Occident qui s’y est décidé avance tant bien que mal, et ce que jusque-là il a réussi pour s’arracher à la barbarie native et se hisser sans cesse à un meilleur niveau de conscience ouvre sur de grandes espérances, sa société et l’humanité tout entière. En face de l’Occident dont on peut bien dire que, par rapport à l’idéal démocratique, il est en très bonne voie, les convulsions des démocraties africaines qui souffrent, faute d’éducation, de déficit démocratique, la conséquence malheureuse d’un grave déficit de l’éducation. Il commence sous la colonisation qui met fin au fonctionnement des centres initiatiques, et se creuse avec les indépendances qui produisent pourtant par centaines et par milliers, des diplômés de bon niveau, mais à qui on avait refusé l’éducation de la sensibilité du cœur et de la volonté. La plupart d’entre eux sont si barbares dans l’âme qu’il fallait une bonne dose de candeur et de naïveté, pour espérer rien qui vaille d’une gestion de l’Afrique par des hommes venus des rangs de tels diplômés.
Conclusion: reprendre à zéro, aujourd’hui un système éducatif dans lequel, en limitant tout l’effort au développement des facultés intellectuelles, négligeant l’éducation de la sensibilité, du cœur et de la volonté par les lettres, les arts, l’éducation civique et les voyages, on forme des robots qui ne sentent, ni ne pensent. Tous ces docteurs et tous ces agrégés, qui font l’orgueil de l’Afrique, sont, certes, des gens d’un très haut niveau intellectuel, mais, au vu du comportement rugueux de beaucoup d’entre eux en société, on peut douter qu’ils soient des hommes façonnés pour transformer l’Afrique. Dans l’administration générale et la gestion politique de l’Etat, le tribalisme, (la maladie de la société africaine) serait probablement moins virulent avec des acteurs sociaux à la fois instruits et cultivés, c’est à- dire bien élevés, soulevés au dessus du vulgaire par quelque bel idéal d’humanité qui leur fait prendre conscience de leur communauté de destin avec le petit peuple qu’ils ont le devoir d’aider à grandir. La culture dont l’effet attendu chez les meilleurs est le développement du jugement (elle apprend à penser juste) de l’esprit critique et du goût (la capacité de sentir et d’apprécier la beauté qui manque cruellement à l’élite africaine) la culture qui chez les meilleurs, affaiblit la barbarie et adoucit les mœurs, est indispensable à la maturation de nos démocraties claudicantes. Pour les aider à devenir autre chose que des contrefaçons grimaçantes de la démocratie, les économistes penseront, certes, à l’assainissement de l’économie. Oui, mais peut-on assainir une économie africaine si pourrie, en négligeant la culture qui est, pour l’homme, effort constant de soi sur soi, pour devenir toujours plus humain et, disons le, chaque jour un peu moins barbare? La démocratie n’est pas pour les sauvages et les gredins!
Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...
Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...
L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court ; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .
Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.
Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.
Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.
Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.
Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.
Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.
L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.
La geste de Ngoma, Mbima, 1982.
Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.
Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.
Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.
Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.
L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.
Poèmes rustiques, Atimco, 1971.