dimanche 26 octobre 2008

Odirint dum me metuant. Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent.

Les Noirs devraient faire du propos du dictateur romain leur devise. A méditer tous les jours. L’histoire des vivants, quelle qu'en soit l’espèce, est, Darwin avait fait là une belle découverte, une lutte permanente, où les faibles sont éliminés. L'harmonie sociale résulte toujours d'un équilibre de forces antagonistes. Une union tensionnelle des forces qui grandissent et s'affermissent en s'opposant. On trouvera difficilement dans le monde un groupe humain où, sans réticences instinctives de départ, le Noir est accepté comme il est. Sa couleur de peau de si sinistre symbolique dans tous les autres groupes humains, ajoutée à d'autres différences physiques, le désigne illico à la mise à l'écart et à la marginalisation. De la couleur de sa peau et du profil de son visage, découlent, d'après les penseurs occidentaux, de terribles faiblesses intellectuelles et morales. Il apparait dans l'imaginaire de ceux-ci comme un raté de la création. Naître Noir devient alors, comme le dit cet humoriste, un handicape. Mais à la différence des autres handicapes, celui du Noir n'inspire ni pitié ni compassion, il suscite, bien au contraire, un inexplicable sentiment d'agression.


Hegel qui pourrait bien résumer le génie intellectuel de l'occident pensant trouve le Noir inapte à devenir un sujet de l'Histoire, et le condamne à végéter dans l'infra-humanité, recouvert de nuit noire. L'avis du philosophe de la phénoménologie de l'esprit a suscité et alimenté un mouvement de pensée dont les conclusions sont connues: avec le Jaune, mais à une échelle plus bas que le Jaune, le Noir est un être inférieur. De son infériorité ontologique découle son infériorité sociale. La République de Jules-Ferry, on s'en souvient, fit de cette aberrante affirmation son crédo. Le colonialisme y trouva la justification de ses procédés barbares. La même science occidentale qui avait fabriqué au Noir ce statut l'a depuis réhabilité. Mais, le discours est une chose, fût-il scientifique, sa pratique sociale en est une autre. L'erreur ou le mensonge scientifique avaient eu le temps de structurer une mentalité. De sorte que, malgré que tous les jours, en grand nombre, les Noirs administrent par leur réussite la preuve de l'erreur d'un tel jugement (pas seulement dans le sport, mais dans tous les domaines d'activité), le Noir reste peu crédible auprès des descendants de Darwin et du comte de Gobineau, l'auteur de l'Essai sur l'égalité des races. « Mentez mentez, disait Voltaire, il en restera toujours quelque chose ».

Le grand malheur est que la victime a intériorisé l'image peu flatteuse que le Blanc lui avait fabriquée et inculquée. Noir signifie inaptitude aux choses de l'esprit, et vices moraux graves: luxure, vanité, mensonge, paresse Aussi simple. Expéditif! Ceux qui énoncent de si terribles contre-vérités sont-ils raisonnables? Et en ce qui concerne le vice, oublie-t'on que c'est la chose la mieux partagée du monde? La bassesse, la mesquinerie ne sont pas des attributs du seul nègre. Pour le Noir, la solution à sa discrimination en occident et dans le reste du monde, il la trouvera dans sa tête et dans ses mains. D'abord se convaincre, à partir de l'expérience ( il y'a deux ans, âgé seulement de 14 ans, à l'âge où la moyenne des français entrent en troisième, un petit Noir originaire de Côte-d’Ivoire n'obtint-il pas le bac ici même en France; en tout cas les exemples sont nombreux) que pour être porteur d'une couleur décidée de malheur par les occidentaux, il est pleinement homme; qu'il n'existe pas de demi-homme comme il existe des demi-dieux dans la mythologie grecque; que chaque homme, rappelons Montaigne, " porte en lui la part entière de l'humaine condition"; que l'éclosion de celle-ci est seulement un problème de milieu, et que, placé dans les mêmes conditions de naissance et d'existence que le Blanc, le Noir peut tout ce que le Blanc peut ( Cheick Modibo Diarra de la Nasa, créateur d'un engin envoyé sur Mars, l'a prouvé).

Ces Noirs brillants qu'on rencontre ici et là en occident ne doivent pas apparaître comme des exceptions. Rencontrant quelque Noir intellectuellement doué, beau ou ayant de l'éducation, certains occidentaux disent, surpris: « tu n'es pas comme les autres! ». Loin d'être un compliment à son destinataire, celui-ci doit l'entendre comme une injure à la race. Le Noir doit le savoir. Le tout est une question de milieu et d'audace. Oser se servir de son intelligence, et d'abord se persuader que les Blancs ne sont pas des dieux, qui feraient des choses dont les Noirs seraient incapables. Une telle prise de conscience mettrait fin à bien des complexes paralysants. Inverseraient, ou du moins équilibreraient les rapports du Noir et du Blanc. Une chose: si le Noir veut que le Blanc le respecte et le prenne au sérieux, qu'il s'affirme. Ce sera le commencement de la fin de la discrimination qui ne repose pas tant sur la couleur de la peau avec tout ce qu'elle suppose de négatif, et d'autres différences physiques, que sur le doute que tel qu'il apparait marqué du sceau négatif du destin, le Noir soit capable de quoi que soit qui vaille. C'est, chez bien des occidentaux une croyance forte bien enracinée. Le Blanc oublie la laideur supposée chez un Noir qui réussit. Le Blanc, l'homme tout court, ne respecte que celui qui le défie et ruine ses certitudes. Il n'y'a pas si longtemps encore, traités à peine avec moins de mépris que les nègres, grâce à leur grande capacité à entrer en modernité, sont devenus pour les occidentaux des partenaires redoutables.


Pour les Noirs, la reconnaissance sociale est aussi à ce prix. A contrepente faire à leur tour le chemin emprunté par les asiatiques. Le look black: les tignasses tressées des hommes portant anneaux aux oreilles comme des pirates et tous ces comportements de dérision n'imposeront pas l'Afrique à l'attention d'un monde en concurrence où il n'y'a pas de place pour les plaisantins. Pour s'imposer dans le monde et se faire respecter, les juifs qui sont au moins aussi mal-aimés que les Noirs, ont dû se résoudre à travailler de façon à toujours se placer parmi les meilleurs. Non par la dérision mais, par la science et les œuvres de l'esprit.

Leur admiration aux USA où le Noir est frappé d’infamie, Martin Luther King, Louis Armstrong le musicien, Duke Ellington, Jessie Jackson, Mohamed Ali et tant d’autre du monde des lettres et de la science, ne le doivent pas à une malodorante tignace de méduse, ni à des oreilles décorées de fantasques anneaux, mais à leur capacité à intégrer la société de leur temps, à leur effort constant pour se placer parmi les meilleurs. Avant d’être le prisonnier exemplaire qui suscite compassion et impose le respect à ses geôliers même, Nelson est un gentlemen tout droit venu de l’Angleterre victorienne. Obama grâce à qui le rêve de Luther King a chance de réaliser, fût resté ignoré et n’aurait pas à ce point bousculé l’électorat américain focalisant sur u Noir d’origine obscure la conscience américaine blanche, s’il n’en avait fait le pari et mis toute son intelligence à le gagner.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.