mardi 20 juillet 2010

La leçon de Mandela


L'anniversaire de Nelson Mandela, c'était l'autre jour. 92 ans. Le poids des ans, on s'en doute. Et en ce qui concerne l'homme qui passa tant de jours gris dans une gêole sinistre et rude, on pourrait s'attendre à un énorme capital d'amertume. Rien de tout cela. Chez Mandela presque centenaire quelle jeunesse de l'âme et quel amour de son pays et de l'humanité! Dans ce vieux corps qui forcément regimbe contre la volonté de son maître, quelle vivacité extraordinaire du regard qui aurait pu être sombre à force d'avoir vu tant de laideur! L'homme marqué par les rudes combats de sa longue vie refuse d'être à la remorque de sa carcasse grinçante maintenant si mal-assemblée. Tels sont ceux-là qui ont donné un sens à leur vie et qui ont comme Mandela semé dans la douleur et les larmes: l'éternelle jeunesse et l'attente confiante de l'inespérable. Mandela c'est la fierté de l'Afrique et du monde des humains, tel que le labeur accompli enfin nous le révèle. Mais il n'est ainsi que parce qu'il fut fortement imprégné par l'idée de la justesse de son combat pour la dignité de l'homme. Il était prêt pour les durs combats de la vie qui façonnèrent pour l'Afrique et le monde ce bijou inimmitable.

C'est pourtant au pays de Mandela, l'Afrique, où la majorité des dirigeants politiques n'était pas réstés indifférents au combat et au sort de Mandela, qu'on rencontre aujourd'hui tant de pratiques politiques barbares opposées aux nobles idéeaux de Mandela.Pire que la colonisation avec ses affres et son inhumanité barbare, l'Afrique traverse depuis sa drôle d'indépendance, une bien sombre séquence de son histoire. Détournée par des malins de son cours normal, l'indépendance africaine ne profite qu'aux violents et aux cyniques laissant le petit peuple floué et frustré. Ne peuvent donc aider l'frique à sortir de cette mauvaise passe que des héros ou des saints. En tout cas, des hommes ou des femmes qui montrent tout autre chose que cette tendance effrayante à la douceur molle du farniente. Si l'Afrique noire est aujourd'hui affligée de claudication, c'est parcequ'elle est conduite par des gouvernants peu généreux et mal-élevés. Les choses seraient certainement différentes si, complètement dénués du sens du bien public, ils n'assignaient pour toute finalité au pouvoir qu'ils exercent avec tant d'inconscience que la jouissance animale qui en est le risque et l'eternelle tentation.

Pourtant, tant que l'histoire n'est pas close, je persisterai à croire que pour le salut de l'Afrique tu ne resteras pas, Mandela, trop longtemps inimmitable dans ta haute sagesse et ton humilité désarmante.

Joyeux anniversaire, Mandela

mardi 13 juillet 2010

14 juillet 2010, que célèbre le défilé des troupes africaines?

Demain 14 juillet, fête nationale française, les troupes de treize anciennes colonies françaises d'Afrique vont participer au traditionnel défilé militaire. En cette année qui marque le cinquantenaire de l'accession de ces pays à l'indépendance, la France, nation généreuse, a voulu participer à la commémoration de la l'accession à la souveraineté de ses anciens territoires en les invitant à fêter à Paris, sur les Champs Elysées. Ce défilé organisé par l'ancienne puissance coloniale, puis puissance tutélaire néocolonialiste aux pratiques malsaines dans ses relations avec ses ex-colonies, dont le but est sans doute de symboliser la solide relation familiale qui lie la France à la partie africaine de son ancien empire colonial, est très mal perçu par les Africains. Pourquoi, selon eux, des anciennes colonies vont-elles célébrer leur accession à la souveraineté auprès de la France, l'ex-métropole? L'esclave souhaitant célébrer son affranchissement irait-il le fêter chez un ancien maître qui a laissé un souvenir atroce et qui continue à semer des embuches sur le chemin de son ancien esclave? Les africains y voient plutôt une fête françafricaine; on y célèbre le cinquantenaire d'une entente léonine dans laquelle les intérêts des africains sont systématiquement lésés avec la bénédiction des relais françafricains que sont d'abord les chefs de l'Afrique francophone.
A paris, cette invitation des troupes africaines est plutôt vue comme une façon de célébrer l'histoire commune de la France avec ses anciennes colonies, celles qui ont volé à son secours à une heure critique de son histoire. Dans ce cas, le symbole aurait été plus fort avec un défilé d'anciens combattants africains précédé ou suivi d'une annonce (solennelle) par le Président de la République de l'alignement de leurs pensions sur celles leurs frères d'armes Français.
Le Président de la République , aurait mieux fait de profiter de cet évènement pour donner un coup de balai à ces pratiques dont il annonçait la fin, mais dont la nécessité le firent revenir à une position plus pragmatique: Monsieur Bocquel en sait quelque chose. La mort annoncée de la françafrique n'eut point lieu. De temps en temps, notamment lors du dernier sommet France-Afrique tenu à Nice, des symboles tels que le déjeuner avec les chefs d'Etats du pré-carré, sont abandonnés, mais la vieille pratique, bien ancrée, tient debout malgré les annonces ça et là d'un remodelage de la relation de la France avec ses anciennes colonies. La présence sans cesse croissante de la Chine et d'autres pays émergents sur cet important marché fait envisager à la France une relation plus axées sur des rapports économiques. Ce serait le souhait de tout le monde, des Français y compris. Une relation teintée de barbouzerie, de connivences avec des régimes peu fréquentables et de reconnaissance d'élections peu crédibles, n'honore pas la France qui tient à ses sacro-saints principes républicains. A moins que ces principes soient un luxe qu'il n'est pas souhaitable de proposer aux africains. Dans ce cas, la France aux valeurs universelles qu'on croyait aisément exportables serait-elle républicaine chez elle, mais pas ailleurs.

Cunctator.

jeudi 8 juillet 2010

Parution du nouvel ouvrage de Dominique Ngoïe-Ngalla: Au royaume du Loango, les athlètes de Dieu


De Dominique Ngoïe-Ngalla vient de paraitre aux éditions Publibook, les athlètes de Dieu. Documenté, solidement charpenté, argumenté avec rigueur, et un grand sens de la nuance, bref un travail d'historien, Les athlètes de Dieu éclaire d'un jour nouveau l'émouvante aventure des pères du Saint Esprit au Loango à la fin du XIXe siècle. L'auteur les découvre, certes pas tous des saints, mais assurément hommes de devoir. Mais surtout pas les complices hypocrites des perversions coloniales. Dans le décors du chant d'apostolat des missionnaires, apparait en pleine crise morale et du pouvoir, la société du Loango. Le Loango c'est la bande côtière de l'actuelle province congolaise du Kouilou augmentée de la Vallée du Niari. Au virage des années vingt- trente, alors que les derniers compagnons de Monseigneur Carie, le premier évêque du Congo, se sont éteints, leurs efforts héroïques et leur esprit d'abnégation commencent à porter leurs fruits. Progressivement, le Loango renaît et devient bientôt le terreau de la future élite et intellectuelle et politique du Moyen Congo.

Au royaume du Loango, les athlètes de Dieu, 1880-1830, Publibook, Paris

Disponible chez Publibook, 14, Rue des Volontaires 75015 Paris.
Egalement disponible en ligne sur le site "www.publibook.com"

jeudi 1 juillet 2010

République Démocratique du Congo: cinquante ans après les indépendances, l'insoutenable misère d'une nation riche (première partie)

Acquises ou plutôt accordées à plus du tiers des Etats africains, naturellement fêtées avec éclat et fracas, les indépendances de 1960 sonnaient le glas d'un époque semée de peines et d'humiliations. Etaient annoncé un futur de dignité de liberté, d'égalité et prospérité. concrétisé, en tout cas, pas pour la majorité des pays africains. Malheureusement, A la différence du rêve étonnament actuel des pères de l'indépendance américaine fondé sur des valeurs de liberté et d'individualisme industrieux, dont une belle phrase de Thomas Paine résume l'esprit: "Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes, que tous les hommes naissent égaux, que leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur...", le projet des pères des indépendances africaines de bâtir une Afrique indépendante, moderne et dépassant les clivages ethniques s'est très vite cassé la gueule. Le bilan de cinq décennies d'autonomie et de pilotage de l'Afrique par des africains est une catastrophe. En effet, les Etats africains n'ont pas su réaliser ce qu'on devrait en principe attendre de pays libérés d'une colonisation brutale, faite d'exploitation sauvage de leurs richesses et du broyage de leurs populations qu'elle plaçait au rang inférieur de l'échelle de l'humanité.

Les pères des indépendances rêvaient certes d'une Afrique fière et digne, mais leur projet jamais mis à l'oeuvre n'est resté qu'une idée, un voeu pieux. L'Afrique d'aujourd'hui ressemble à une gueule cassée, tellement défigurée qu'on peine à la regarder sans une certaine frayeur et sans ressentir de la pitié Elle n'a pas su se hisser correctement sur les marches de la modernité, et de ce fait laisse penser que les puissances coloniales, soucieuses avant tout d'exploiter des richesses, y ont bâti plus d'infrastructures, de structures sociales et sanitaires en plus grand nombre que certains Etats Indépendants. Echec sur le plan humain également! Au XXIe siècle l’ancien colonisé n'a toujours pas été élevé à la dignité que tout homme mérite, elle est le privilège d'une élite ténue; la culture d’un idéal humain avec tout ce que cela requiert comme valeurs à insuffler ne fait pas partie de l'imaginaire africain actuel, les valeurs sont retournées, d'autres intérêts, sans doute meilleurs, ont pris le dessus. Il est bien de célébrer la liberté, mais il faut savoir demeurer des hommes et des sociétés libres. La liberté fait l’objet d’une conquête de tous les jours, elle implique qu’au niveau d’une nation, qu’on sâche tenir et s'accrocher aux principes qu'on s'était fixés au départ, et non qu'on soit une nation d'hommes déspiritualisés, sans croyances, corruptibles pour deux sous et facilement entrainables dans des forfaits de tous genres, même contre son propre pays. N'ayant pas pu, à force de travail et d'imagination, ériger des sociétés dans lesquelles le minimum de possibilités matérielles, de rigueur spirituelle et intellectuelle, le mental des africains est très peu sorti de la colonisation. L'homme blanc, référence absolue en terme de progrès matériel et de l'esprit y est toujours le petit dieu de la brousse que fût le gouverneur ou tout autre représentant de l'autorité coloniale.

Peu responsables de cet échec, les pères des indépendances,très vite remplacés, n'eurent pas le temps de mettre en place leurs projets pour une Afrique libre. Des jeunes gens inconscients affamés de gloire et de puissance, s'assirent sur ces projets, livrèrent l'Afrique à ses anciens maîtres et ne souhaitaient que s'en tenir au rôle de procurateurs ou de gouverneurs passifs, grassement récompensés, laissant des puissances mal-intentionnées agir à leur guise sur une Afrique abondonnée de ses fils irresponsables.

Plusieurs pays illustrent bien ce schéma, mais le cas de la partie la plus mal-en point du continent, l'Afrique Centrale, l'illustre encore mieux. C'est dans cette sous-région que se trouve la République Démocratique du Congo, dont le cinquante de l'indépendance vient d'être célébré (le 30 juin). La république démocratique du Congo qui au moment de son indépendance sortait d'une exploitation des plus sauvages, notamment celle de l'époque de l'Etat indépendant du Congo de Léopold II (1885-1908), avait toutes les bonnes raisons d'affirmer "plus jamais ça" avec la plus grande énergie. Léopold II qui justifie son ambition coloniale dans le bassin du Congo par un but fallacieux et paternaliste: " ouvrir à la civilisation la seule partie de notre globe où elle n’ait point encore pénétré, percer les ténèbres qui enveloppent des populations entières", n'a pour seule but l'exploitation des immenses réserves d'hévéa rendu indispensable par l'invention de la roue pneumatique. Pour ce faire il va se baser sur le modèle d'exploitation sauvage que les hollandais instaurèrent à Java qu'il avait visité quelques année plus tôt. En 1885 au moment de la Conférence de Berlin au cours de laquelle l'Afrique fut découpée sans tenir compte de ses logiques internes, Léopold II obtint le territoire de l'actuel Congo démocratique, colonie qui sera rapidement spécialisée dans l'exploitation de l'hévéa pour la production du latex.

Reproduisant les inhumaines méthodes javanaises. Pour encadrer cette expploitation brutale et des hommes et des arbres, une force publique barbare composée d'hommes congolais et commandée par des officiers belges est mise sur pieds. Elle se caractérise par sa férocité et par l'atrocité des châtiments infligés aux populations congolaises. Tout esclave -c'est ainsi qu'il faudrait appeler les sujets tellements maltraités de Leopold II- ne respectant pas les quotas de latex à fournir avait une main amputée; des camps d'otages où étaient retenus les femmes et enfants des esclaves fugitifs ou récalcitrants étaient des lieux de tous sévices sexuels et autres. Ne comptons même pas les villages brulés, les hommes abattus, un nombre effrayant! Le grand roi aux nôbles affirmation dans les conférences entre occidents confiait à ses émissaires au Congo que: "quand on traite une race composée de canibales depuis des milliers d'années, il est nécessaire d'utiliser les méthodes qui secoueront au mieux leur paresse et leur feront comprendre l'aspect sain du travail". Le crime est tellement grave qu'il donne lieu à d'énergiques campagnes de dénonciation. Sir Arthur Conan Doyle, ayant été au Congo écrira à son sujet que "la colonisation du Congo fut la plus infâme ruée sur un butin ayant jamais défiguré l'histoire de la conscience humaine". Le butin! Il est si riche ce pays qu'il n'a jamais cessé d'attirer des convoitises de loin premières causes de la misère de ses populations.
Cunctator.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.