vendredi 13 mars 2009

De la poésie

« Toutes ces choses de poètes, moi j’appelle cela le printemps » disait Rimbaud. Il est en effet pas loin le printemps, et c’est déjà le « Printemps des poètes ». Vive le printemps avec son cortège de bourgeons, de fraîcheur et de couleurs. C’est la renaissance de la beauté et le retour de la flamboyance.

Les poètes sont des artisans, les poèmes, le fruit de leur labeur. Mais ce sont des artisans dépourvus de buts utilitaires ; à quoi sert la poésie si ce n’est de rendre compte de son monde grâce à l’esthétique des mots. Dans notre siècle post moderne, rongé par l’utile et le rentable, beaucoup voient en la poésie un verbiage inutile, un luxe d’illuminés. La poésie, en vérité n’a d’autres fins que de colorier la vie de gaîté, de tristesse, de douleur, de révolte. Pour les adeptes de la poésie comme source de beauté et d’ornements, elle est comparable à ces belles fleurs qui font l’orgueil des jardins, et Théophile Gauthier de dire « on supprimerait les fleurs, le monde n’en souffrirait pas matériellement ; qui voudrait cependant qu’il n’y eût plus de fleurs ? Je renoncerais plutôt aux pommes de terre qu’aux roses, et je crois qu’il n’y a qu’un utilitaire au monde capable d’arracher une plate bande de tulipes pour y planter des choux »[1] Pour ceux-là par contre, ils sont nombreux, du fait de leur histoire, ou seulement de leur sensibilité aux sinistres œuvres du génie humain, qui portent la marque des souffrances infligées à leur semblables en humanité, la poésie n’est pas seulement transcription de la réalité, elle doit être d’abord et surtout moyen de communication, arme de combat. C’est dans cette lignée que se rangeaient Léopold Cédar Senghor, Aimé Césaire, Langston Hughes, Federico Garcia Lorca, les Black Poets, Gil Scott Heron et bien d’autres encore.

Le poète, de quelque tradition qu’il soit, est un démiurge ; à travers les mots inanimés, soutenus par le rythme seul, il crée une réalité et donne vie aux mots en leur insufflant une âme. C’est ainsi que, comme c’est le cas pour la peinture, on devient plus sensible à la réalité après qu’on ait succombé aux charmes d’un beau poème ou d’un beau tableau. La poésie n’est pas seulement la sœur la plus proche de la musique, son autre soeur la peinture lui est également très attachée : combien de fois n’entendons nous pas, "il y’a de la poésie dans ce tableau!" et combien de poèmes ne nous renvoient-ils pas des images sublimes qu’on souhaiterait voir immortalisées par la palette d’un maître. Il n’y a que la musique qui l’emporte sur la poésie pour transcrire les belles, les tristes, les drôles ou méchantes impressions et conceptions de l’âme. Cette dernière étant rarement vile, car don de Dieu, sauf chez quelques spécimens rares, ses expressions, lyriques lorsqu’elles ont pour objet ses humeurs, et épiques lorsqu’il s’agit de cette âme prise dans des mouvements d’envergure (voyages, tribulations, guerres, complots, etc.) sont toujours dotées de ce caractère élevé, d’où la majesté de la poésie. Tout ce qui est dépourvu de caractère est dit-on prosaïque.

La poésie à l’instar de la peinture peut être gaie et flamboyante, triste et sombre ; c’est selon le sentiment que l’artiste a voulu exprimer dans son œuvre. Par leur art peintres et poètes imitent tous les autres arts, voila leur privilège. Ils se mettent dans la peau d’un agriculteur, d’un banquier, d’une courtisane ou d’une grisette. L’un les représente grâce à sa palette aux nuances variées, l’autre par la magie des mots. Socrate déjà l’avait constaté, qui disait « un peintre fera un portrait ressemblant du cordonnier sans rien entendre au métier de cordonnier […] De même dirons nous, le poète sait si bien par une couche de mots et d’expressions figurées donner à chaque art sans rien entendre, sinon comme imitateur, les couleurs qui lui conviennent, que […] de son discours, soutenu par la mesure du nombre et de l’harmonie, persuade à ceux qui l’entendent et qui ne jugent que sur les vers, qu’il est parfaitement instruit des choses dont il s’agit, tant il y’a naturellement de charme dans la poésie ! »[2]


Philippe Ngalla-Ngoïe.




Après avoir ainsi parlé de poésie, il serait convenable de donner la parole à un poète en lisant un de ses poèmes



ALLELUIA !
(A tous les roitelets disparus)
Merci bon Dieu
Qu’ils s’en aillent petit à petit
Même si les trônes sont échus
Aux princes héritiers
Qui snobent le scrutin
J’ai songé d’être cuistot au palais
Afin d’éviter des présidents à vie
A mon peuple réduit à la dèche
Le café à l’anthrax se prépare
Plus vite qu’un coup d’Etat
Au royaume de la misère
La mort du roitelet est une délivrance
Pour l’indigent qui ignore la jouissance
En voici un et deux et trois
Délaissant la Cadillac
Pour un corbillard flambant neuf
Pendant que les croque-morts
Déchargent le colis dans le caveau
Les opprimés souhaitent
Bon appétit aux termites
Avant qu’ils ne s’emparent du cadavre
Quel que soit l’emballage,
Les bestioles acceptent le cadeau
Que c’est étrange
Pour les grands de se faire bouffer par les petits
Sans doute trop vaniteux pour saisir
Que sous terre les rôles sont inversés
Flambeurs,
Que rapporte l’égoïsme
Si ce n’est l’obésité
Sous le regard impuissant des oubliés
Sans méditer sur la faim
Alors que tout a une fin
Les nantis pleurent
Les affamés se réjouissent
Les bestioles se régalent
Les princes n’y comprennent rien
Serait-il évident pour le nanti de dissocier :
Eloquence et arrogance ?
La terminaison en serait peut être la raison
Pendant l’inhumation du roitelet
Le bas peuple entame la danse du ventre
Pour signifier au successeur
Que ventre vide n’a point de pitié pour l’obèse
A chaque fois que le corbillard s’approche du cimetière
Les affamés reprennent en chœur :
« Bon débarras !»
Dommage pour le roi
Malgré l’effigie remarquable frappée sur sa monnaie
La mort reste incorruptible
Ouf ! Eliott NESS (1) les a précédés
Si non les mafieux s’échapperaient de leur caveau.
Alléluia !

N.Y.S.Y.M.B Lascony, La Blessure de l’âme, Cercle-Congo

(1) Inspecteur de la brigade anticorruption (tombeur d’AL CAPONE).

Lascony est poète et orchestrateur de Jazz, il est l’auteur de « La blessure de l’âme » et de « Requiem pour le repos de mes anges gardiens » préfacé par Dominique Ngoïe-Ngalla

LASCONY et le Panafrican Jazz Orchestra se produiront au "Printemps de la diversité" qui aura lieu le samedi 11 avril 2009, de 14h30 à 20h00, à l'Espace Saint-Martin" 199 bis rue Saint-Martin 75004 Paris .


[1] Théophile Gautier, Préface de Mademoiselle de Maupin
[2] Platon, République

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.