lundi 24 juin 2013

L'héritage de Mandela

Au soir de sa vie, le plus grand regret de Mandela est sans doute de constater que la lutte que ses compagnons et lui ont mené âprement pour la liberté, quoiqu’ayant, au prix de lourdes pertes et d’importants sacrifices, terrassé le régime terrible de l’Apartheid, n’a pas inspiré les Africains pour la construction de sociétés plus justes. Partout ou presque, doit s’offusquer le vieux lion, les inégalités, la pauvreté toujours plus grande, la régression. Lui que son grand amour pour son pays et son souci de son peuple avaient conduit à s’engager dans un combat politique au cours duquel il a affronté des périls effrayants, a pris des risques fous, a déployé un talent exceptionnel que favorisait sa fulgurante intelligence des situations et cet acharnement qui transforme en excellence même la médiocrité, s’en ira triste de savoir que personne n’a repris le flambeau. Mandela sur la fin est bien la preuve que le courage et l’abnégation sont possibles lorsqu’on aime sa patrie avec piété et ferveur ; lorsque qu’on a conscience que la dignité intrinsèque de chaque homme est la condition nécessaire de toute vie sociale. Ainsi armé tout responsable politique, à l’exemple de Madiba, est capable de vaincre les penchants égoïstes qui font les petits chefs, de comprendre que le but de la politique n’est pas l’intrigue féroce pour des positions personnelles ou groupales, mais de défendre toujours les intérêts de ceux qu’on représente.

Malheureusement la geste héroïque de ce Monsieur n’a pas eu d’imitateurs. Est-ce l’exemple qui est difficile à suivre, ou est-ce plutôt la génération post Mandela qui est faite d’hommes si petits, si mesquins et si lourds qu’ils n’arrivent pas à se hisser sur les épaules du géant de Mvezo ?

Vingt ans après sa sortie de prison, existent en Afrique des peuples dans de terribles fers. Et ce non pas du fait d’un terrible oppresseur venu de très loin, dont la cupidité fait commettre des forfaits dignes de crapules comme au temps des colonies, mais les crapules, les élites africaines, cette fois sont encore plus barbares. Les châtiments infligés aux Nègres ne sont certes pas similaires, mais la symbolique elle l’est. A chaque époque ses atrocités. Faire croupir ses compatriotes dans une misère ineffable, enfermer leur esprit dans les choses viles sans jamais leur donner la possibilité à leur esprit de s’épanouir(de peur peut-être qu’ils aient de meilleurs moyens de contester leur autorité illégitime pour la plupart d’entre eux), leur refuser l’accès au progrès quand toutes les conditions sont remplies, les déshumaniser est non seulement le propre d’une élite sans amour, mais aussi d’une élite sans courage. Manque en effet de courage moral et politique qui ne veut pas s’inscrire dans les procédés de l’action bonne parce qu’elle exige beaucoup. Alors comme des larves, on s’abandonne dans sa misère morale. Une élite qui a en mémoire les atrocités coloniales telles que les crimes de Léopold, les travaux forcés, l’inceste imposé par les armes et d’autres humiliations peut-elle régresser au point de priver à ses semblables leurs droits fondamentaux ?Une élite qui a dénoncé l’Apartheid et qui n’a pas hésité à lutter contre ce régime par le soutien apporté à ses opposants ne pouvait se comporter tel qu’on la voit faire aujourd’hui, oublieuse de sa tâche colossale, écrasant le peuple avec une facilité déconcertante.


Mandela avait foi en l’Afrique. A la différence de la génération qui le suit, il rêvait de Noirs et d’une Afrique mieux éduquée, d’une Afrique plus moderne que ne minerait plus les tensions ethniques, d’une Afrique plus sensible à la condition de l’homme, et d’une Afrique plus digne tout simplement. Tel était son programme. Malheureusement, arrivé aux affaires broyé par une longue et pénible détention, âgé et pressé de passer le relais à d’autres, Mandela n’a pas eu le temps de réaliser son rêve.Que laisse-t-il en place de tout cela ? Une Afrique plus pauvre malgré l’accroissement des ressources dans nombre de ses pays, une Afrique où règne en bien d’endroits l’analphabétisme, l’esclavage infantile, une humanité dégradée, une Afrique institutionnellement faible, une Afrique morcelée proie de pirates et d’aventuriers sans foi ni loi. 

Cunctator.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.