vendredi 21 septembre 2007

La france face à son héritage (première partie)

La France non sans raison, le pays, (et pour cela respectable), de tradition humaniste le plus en vue d'Occident, de par sa position géographique, naturellement , presque de force, ouverte à tous les vents de l'histoire et donc à toutes les cultures on comprend que, de tous les flots humains venus de tant d'ailleurs, et lentement fondus sur son sol lui-même si divers, elle ait, d'âge en âge, de génération en génération, non sans beaucoup de bruit, parfois réalisé cette merveilleuse synthèse que traduit, d'abord, peut-être, cette belle langue française en laquelle, au XIIIe siècle déjà, le Florentin Brunetto Latini "la parleüre la plus délitable" (agréable). Et si on quitte la langue, et qu'on se place sur le plan moral, par exemple, se trompe-t-on si on affirme que, par son bel équilibre psychologique, l'homme français, en général, à l'instar de sa langue, compte parmi les plus belles réussites de l'humanité en marche?

Il n'est pas un pays d'Occident, qui, par sa culture et sa vision du monde, présente comme la France autant de titres à revendiquer l'héritage de Rome, et d'abord de l'Athènes des champions de la raison et des droits de l'homme que dans un discours qu'il met dans la bouche de Périclès, Thucydide célèbre avec une fierté méritée. Les sophistes et les philosophes , épicuriens et cyniques avaient travaillé à libérer l'homme de la terreur des dieux, et de ce hochet des petits dieux turbulents, facétieux et sans mœurs, furent désormais la valeur de référence. En France, l'éclosion des libertés, au péril de leur vie, revendiquées comme un attribut de l'homme, d'abord par une poignée d'intellectuels, proclamées pour finir, sur la place publique et montrées aux humbles mêmes comme l'attribut de tout animal répondant à la définition de l'homme, à quel que groupe humain qu'il appartienne, de quelle que strate sociale qu'il relève, ne fut pas un fait d hasard. Affleurait là, et de façon spectaculaire et exemplaire en cette Révolution de 1789, un vieux courant de pensée dont les racines, plantées dans le verbe iconoclaste et laïc de Protagoras d'Abdère, et de Gorgias de Léontinoï, puis transplantées dans le terreau du pragmatisme latin, furent reprises et définitivement greffées sur le discours universaliste des disciples de Jésus.
Elles sont depuis devenues le môle de la civilisation d'Occident. Si solide que les assauts répétés et multiformes des Barbares de toutes époques, Vandales, Arabes, Vikings, Nègres et caucasiens, s'y briseront. Par son ardeur à défendre pendant de longs siècles, le dépôt des principes sacrés de la civilisation de l'universel, et à les mettre dans l'esprit de tous les peuples de la terre, la France a fini par représenter, chez tous les peuples de la terre, la patrie des droits de l'homme.
Et d'abord la patrie de l'humanisme, le terreau des droits de l'homme. Les noms qui en illustrent le combat le combat en Occident contre des pouvoirs civils et religieux ignares et attardés sont connus. Epelons-en quelques uns: Lefèvre d'Etaples, Etienne Dolet, Guillaume Budet, Erasme de Rotterdam, Boccaccio, Dante et ces autres qui finirent sur le bûcher, poursuivis et persécutés pour leur foi et leur confiance en la nature raisonnable de l'homme, guignés de travers parce qu'ils affirmaient la transcendance de l'humain que l'esprit, sa composante essentielle, hisse au sommet de la hiérarchie des valeurs.


L'esprit qui est aspiration à l'amour, à la justice, à la vérité, à la beauté. L'esprit qui est liberté et raison, et la raison qui est exigence impérieuse de sens et d'intelligibilité repousse l'égoïsme du corps, rejette les valeurs vitales, condamne l'exploitation des faibles.
Les humanistes qui ont opté pour la conscience claire et la pensée ordonnée prirent l'engagement de libérer l'homme du déterminisme de l'instinct, afin que, tout en sauvegardant l'équilibre entre la chair et l'esprit, s'impose le primat du spirituel. Ce combat d'anachorète et de cénobite qui fut, à cause des exigences et des risques courus, le fait de quelques uns d'abord, l'affaire d'un petit groupe d'hommes entêtés, devait au cours des âges, marquer la France en profondeur, et faire d'elle, des millénaires après Athènes et Rome, le pays le plus aimable et le plus policé de l'Occident post-médiéval. Le pays de la chrétienté et de la chevalerie qui rendirent possible le christ de Cevron et sa beauté accueillante; le pays de l'Ange de la cathédrale de Strasbourg au beau sourire; le pays des plus belles cathédrales au monde: Bourges et Chartres; Reims et Amiens, Notre-Dame de Poitiers et Saint-Pierre de Moissac; et l'autre Notre-Dame, celle de Paris, debout sur son île comme une tour d e la foi surgie du rêve des hommes.
C'est cette France de l'ouverture accueillante, cette France du courage, de la vaillance et du dévouement qu'ont héritée ces femmes et ces hommes qui, aujourd'hui, affrontent avec une admirable détermination, les lois iniques, racistes et scélérates édictées par leur pays sur l'immigration. Ces Français et ces Françaises témoignent, par ce bel enthousiasme réfléchi, de leur volonté de croire en l'homme et de l'aimer. En dehors même de ceux-là qu'on voit à la pointe du combat pour une France toujours plus humaine, ils ses comptent par milliers, hommes et femmes, liés aux Noirs d'Afrique par l'amitié la plus pure et la plus noble.
Et c'est cela qui rend supportable à la catégorie des nègres à laquelle j'appartiens, toutes les injures que la France leur fait; toutes les injustices que la France leur fait subir […].

En face de cette France militante, la fierté et l'orgueil de tout homme honnête vivant en ce monde, l'autre France, dans laquelle Saint Louis ne se reconnaîtrait pas, ni l'abbé Grégoire le constitutionnel, l'ami des Noirs. Une France oublieuse de ses grandeurs passées, la France des cathédrales et de la foi; la France de Voltaire, le Voltaire de l'Affaire Callas; la France de Montesquieu, le défenseur de la cause des Noirs, la France de Saint-Just; la France des droits de l'homme qui embarrassent tant de Français aujourd'hui, surtout lorsqu'il s'agit des Nègres d'Afrique qu'ils n'ont jamais aimé que comme moyen de production. Eux qui ont tant aimé la France, ces nègres, eux qui ont tant payé pour la France, eux qui ont porté la France à bout de bras: 14-18; 39-45. Quand éclatent les deux guerres qui la mènent aux portes du désastre et de l'esclavage, la France fait de ces Nègres méprisés et moins bien traités en temps de paix que les toutous et les minets qui ornent les salons des bourgeoises de ses grandes villes, des troupes d'élite, la terreur de l'ennemi sur le champ de bataille.
Puis la guerre terminée et sauf l'honneur de la France, payés en monnaie de singe et mal honorés à empoisonner le sommeil de Senghor, ceux-là qui ont sauvé la France, les héros, sont renvoyés les mains vides à leur sombre destin. Ils redeviennent ces "macaques aux traits impossibles, et ces grands enfants" qui alimentent les conversations des cercles coloniaux.

dimanche 9 septembre 2007

Du nécessaire devoir de mémoire

Nous sommes sortis d’un siècle qui s’est illustré par de très grandes atrocités contre l’espèce humaine ; un siècle où l’homme a acquis des moyens de destruction inouïs ; un siècle où l’homme a rejeté l’humanité dont il se trouvait sur les pentes de la conquête.
Notre époque grouille d’une élite qui, bien qu’ayant perdu de son brillant, a somme toute le mérite d’être qualifiée comme telle. Les personnes constituant cette élite, la plus haute élite politique et financière surtout, ne sont plus mûs par de nobles idéaux comme du temps de Thémistocle, de Périclès, et de Caton l’Ancien.
Notre élite moderne a souvent cédé à la tentation de la facilité, du mensonge, de la corruption et enfin du cynisme. L’intérêt est vénéré comme un dieu ; ils le recherchent par tout moyen, même au prix de dizaines de milliers en pertes humaines.

La renaissance avait tourné l’Occident vers les valeurs et idéaux classiques que le Moyen-âge n’avait pas repris. L’Occident nouveau a continué sa lancée vers les siècles pour constituer une belle aventure : progrès des sciences, progrès de la mécanique, grandes découvertes géographiques, réformes théologiques, etc. Une chose, cependant, est venue tâcher ce beau tableau, c’est à cette époque de révolution intellectuelle, artistique et scientifique de l’Occident que débuta une grande injustice de l’histoire : la Traite Atlantique. Outre les énormes profits qu’elle promettait, les motivations de la Traite étaient racistes, car elle niait le caractère d’humanité à ces habitants des terra jadis incognita.

La tentative pour célébrer aujourd’hui cette tragédie est rangée aujourd’hui dans le registre de la « victimisation » par quelques intellectuels occidentaux, eux-mêmes relayés par certains hommes politiques. Ce qu’on ne reproche pas aux victimes de la Shoa qui ont tout loisir de revenir sur toutes les tragédies qu’ils ont souffertes à travers leur histoire torturée, la dernière étant les camps de concentration sous le régime nazi.
Et pourtant, se souvenir est simplement un moyen de comprendre ce passé torturé afin de s’en libérer, puisque ses conséquences continueront de marquer, même de façon subreptice, nos rapports réciproques. L’Allemagne, nation responsable s’est faite un devoir de reconnaître et de condamner la barbarie nazie.
Se souvenir n’est pas une position offensive. Point besoin, dans ce cas, de s’offusquer qu’un groupe humain rangé parmi les peuplades barbares il y’a peu pleure sur les malheurs des siens. Se souvenir est une façon de transmettre le relai, cette histoire particulièrement atroce. Si nous ne rejetons de cette façon notre passé, il peut nous rattraper. S’en souvenir est une façon de s’en libérer.

Philippe Ngalla-Ngoie

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.