lundi 15 juin 2009

L'avenir démocratique de l'Afrique problématique à court et à moyen terme

L’espoir démocratique suscité au soir du retrait des forces coloniales s’était vite mué en frustrations amères. On peut évaluer celles-ci au regret du petit peuple des villages et des bidonvilles de feue la colonisation, pourtant encore bien présente à leur mémoire. « Quand, disent les pauvres gens, l’indépendance finira-t-elle? » C’est que, champions de l’arnaque et prédateurs sans vergogne, les régimes politiques qui prirent la relève de la colonisation, moins le désordre, héritèrent de celle-ci ses pratiques funestes de gestion économique.


Instaurés par de jeunes gens sans expérience politique et peu vertueux pour la plupart d’entre eux, le socialisme et le marxisme ajoutèrent au désordre de l’ethnocentrisme libéré par le départ du colonisateur. Refusant de faire le jeu d’une seule ethnie de celles qui composaient le territoire de la colonie, celui-ci en avait, en effet, neutralisé le venin en les muselant toutes. Incapables d’élaborer un projet de société sensé pour leur Etat pluriethnique et de s’y tenir, les hommes politiques africains venus des ethnies ont le génie funeste de l’organisation du désordre comme moyen de gestion des affaires. La démocratie c’est quand même l’espace social de la réflexion permanente pour trouver le meilleur moyen pour un vivre ensemble le moins heurté possible, sans pour autant museler les libertés.


Au lendemain du discours fameux de La Baule, un vent de démocratisation parcourut l’Afrique entière, soutenu par la promesse du Président de la république française d’accompagner financièrement les efforts des pays qui accepteraient d’instaurer des régimes démocratiques. Les élans des commencements retombèrent bien vite. Les politiciens africains firent en effet vite l’expérience que, pratiquée à la lettre la démocratie n’était pas rentable pour eux. Ils avaient envie de durer au pouvoir, pour la vie si besoin ; ce que n’autorise pas le jeu démocratique sauf si des qualités exceptionnelles du détenteur légitime du pouvoir l’imposent au choix de ses concitoyens. Comme Périclès dans l’Athènes du Ve siècle. Or de tels hommes aux qualités et aux mérites exceptionnels ne sont pas apparus. Mandela est passé comme un météore. Seulement des hommes dotés d’un appétit exceptionnel du pouvoir et doués pour la manipulation. C’est un bien piètre génie, et malfaisant.


Le retour au parti unique faisant ringard et appelant bientôt la réprobation de l’Occident qui a gardé un œil sur l’Afrique, il fallait jouer le jeu tout en se moquant pas mal de la démocratie. C’est ainsi que sous le label démocratique, sont apparus des régimes à la vérité dictatoriaux où la peur et l’intimidation sont les grands moyens de la gestion des affaires. Intimidation d’une opposition qui n’existe que pour le principe, et dont, de toute façon, les consciences sont achetées. Mais existe-t-il une saine démocratie vénale ? Rétrécissement croissant de l’espace public d’expression où en démocratie en principe le citoyen se façonne et se libère, bref, revendique et conquiert ses droits.Peut-on parler de démocratie là où sans mandat du peuple souverain, des groupes s’octroient des droits qui les placent au dessus du peuple souverain moqué et floué ?


Dans les démocraties africaines le groupe culturel d’appartenance du détenteur du pouvoir, et bien entendu sa famille biologique apparaissent comme les dépositaires légitimes du pouvoir du peuple dont ils se réclament sans vergogne. Ils se croient habilités à parler en son nom, et bien entendu, en réclament tous les privilèges. Les démocraties africaines sont des démocraties ethniques. La différence les effarouche. Elles rêvent d’une homogénéité de l’espace politique qui se ferait sous la forme de l’identité ethnique. C’est pourquoi le détenteur du pouvoir a pour assise de ce pouvoir le groupe culturel auquel il appartient. Il l’instrumentalise pour son maintien au pouvoir. Et comme il a peur du vote du peuple, il dresse son groupe d’appartenance contre ce peuple constitué par les autres groupes, qui du coup deviennent ses adversaires politiques, presque ses ennemis. Voila pourquoi il convainc son groupe d’appartenance de l’hostilité de ces autres groupes, qu’il lui montre en permanence complotant contre lui. Le chef d’état africain est un partisan ethnocentriste qui gouverne et se maintient au pouvoir par le spectre de la guerre civile qu’il agite en permanence. L’horreur de la guerre dans les pays où elle a pu avoir lieu, rend alors les populations dociles et les dispose peu à revendiquer leurs droits bafoués.


Des progrès de la démocratie en Afrique sont impossibles ou du moins difficiles, si on ne tient compte d’un paramètre : la complexité culturelle des Etats africains. Impossible ou du moins difficile de parvenir à leur harmonisation si on ne trouve des mécanismes de régulation de leur différences, source permanente de conflits. Impossible si des valeurs et idéaux communs ne sont trouvés et des institutions librement mises en place. Impossible si aucune autorité politique ou morale, morale et politique ne veille à leur respect. Impossible tant qu’il existera des gens ou des groupes de gens qui ne se sentent pas concernés par la loi que le peuple souverain s’est donnée. Impossible enfin aussi longtemps que les politiques africains n’auront pas, un minimum le sens de l’Etat souverain qu’ils confondent avec leur patrimoine personnel. Mais la démocratie est un processus, une éthique de la liberté et du comment vivre ensemble. Seule une saine éducation la promet et la promeut.


Dominique Ngoïe-Ngalla, Philippe Ngalla-Ngoïe.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

pour qu'un arbre donne de bon fruit il faut au tout début une bonne graine qui malgré doit mourrir pour donner quelque hose de nouveau mais cette graine doit etre confiée a une personne qui saura ou la planté et comment la faire pousser dans de bonnes conditions et que tout le monde en bénéficie des que les fruits sortiront mais ce qui a été donné pour le peuple part le peuple ne profite que effectivement a un peuple mais restreint qui ne peux donner la definition exacte de ce mot mais c'est pas de leur faute parce que pour être en democratie il faut d'abord véritablement être en indépendance parce que tout vient de la !
Godelive MOUCKO

Lokassa a dit…

"Pour être en démocratie, il faut être véritablement en indépendance".
Belle vue cher Godé, en tout cas à méditer. Cela va de pair. Cependant c'est une bien mauvaise habitude que de vouloir justifier notre mésamour de nous même et notre incurie par l'ingérance des puissances étrangères.
A suivre.

Anonyme a dit…

oui c'est vrai on s'aime pas d'abord c'est pour ça qu'on s'arrange pas et tout part en vrille mais comment faire quand on constate que la jeunesse de maintenant se deprave au lieu de refléchir sur la question et chercher des solutions parce que long terme c'est la jeunesse de maintenant qui pourra changer quelque chose!
Godelive MOUCKO

Lokassa a dit…

C'est déja ça que de s'interroger comme tu le fais Godé. de tes interrogations viendront des réflexions, lesquelles, confrontées au réel, t'indiqueront certainement les façons les plus simples de remédier à nos maux.Commençons par avoir le courage de penser, et non de nous oublier dans la bière et les mamas et les rêves trop faciles. Il s'agit d'être des pionniers.
Tu ne remarque pas que chez nous on a plutôt tendance à faire la promotion de la médiocrité, les valeurs sont récriées. Si tu ne voles pas ou ne couches pas avec toutes les jolies demoiselles du quartier, alors t'es un "youma".Les volontés les moins fortes se laissent prendre à ces invitations à la débauche, imagine ce que ça donne au sommet de l'Etat que certains considèrent comme une tirelire, alors une bien grosse tirelire dans laquelle on se sert à loisir pour assouvir ses désirs et caprices de gamin.

Obambé a dit…

Bonjour Pr,

Cet article m’interpelle au plus haut point. Je fais partie de cette génération de Congolais nés entre 70 et 79, que nombre de nos aînés jugent trop jeunes, trop pressés de « prendre le pouvoir », comme si notre but ultime à tous et à toutes était de devenir soit président de la République, ministre ou préfet de je ne sais quelle contrée de notre cher Congo-Mfoa. C’est une belle revue, un tableau dur mais assez réaliste de la moitié du siècle allant de 1960 à 2010.
Lors d’un échange très fructueux avec votre collègue enseignant, mais néanmoins aîné, en 2000, dans la ville rose du Sud-Ouest de la France, il me fit part d’une observation assez pertinente, à laquelle je n’avais moi-même jamais pensé. En effet, feu Jacques Opango lui dit en 1972 peu ou prou que « Les jeunes seuls au pouvoir feront montre d’inexpérience, tandis que les vieux seuls feront preuve d’immobilisme ». Si cela était vrai en 1972 (Opango, retiré avec beaucoup de dignité de la vie politique avait alors 65 ans), entre 1956 et 1960, c’était difficile à mon humble avis de faire ce savant dosage entre jeunes et vieux dans la mesure où toutes les plus hautes fonctions de nos jeunes Etats en devenir étaient accaparées par les colons.
Concernant l’application du socialisme et du marxiste, je mettrai tout de même un bémol car, je ne pense pas que des pays comme le Congo et la Guinée (pour ne citer que ces 2 là) aient réellement appliqué ces doctrines. Je pense que vous le savez mieux que moi : c’était plus une phraséologie, comme le rappelle Pierre Eboundit dans son récent ouvrage sur le M22. Sur le papier, oui, notre Congo était socialo-marxiste. Dans les faits, une belle bourgeoisie qui aurait fait se retourner dans leurs tombes Lénine et Marx réunis, était en place, telle une vraie camarilla, vivant dans un luxe insolent avec champagnes et très belles voitures venues du même Ouest qui était dénigré dans les discours du soir au matin. Ces hommes, y croyaient-ils eux-mêmes dans leurs slogans ?

Obambé

Philippe NN. a dit…

"telle une vraie camarilla, vivant dans un luxe insolent avec champagnes et très belles voitures venues du même Ouest qui était dénigré dans les discours du soir au matin. Ces hommes, y croyaient-ils eux-mêmes dans leurs slogans ?"

C'était en effet l'idéologie officielle. Mais peu appliquée en pratique. J'ai lu des articles écrits pars des occidentaux analysant très bien la classe ayant hérité du pouvoir au moment des indépendances. Sans adoption d'idéologie, ces personnes reprenant les rennes ont voulu créer une bourgeoisie assise sur les avantages qu'offre le pouvoir. Voila depuis cinquante ans le trait principal des politiques de chez nous.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.