mercredi 3 juin 2009

«S’évangéliser soi-même avant d’évangéliser autrui» ou la leçon des Eglises de maison en Chine

Ils font penser aux témoinsde Jéhovah, à la différence que ces chrétiens chinois sont restés dans la tradition romaine. Les Chinois, nous le savons, avaient, depuis leur révolution, fait de l’athéisme une manière de religion d’Etat. Toutes pratiques religieuses sont interdites. Le christianisme surtout qui, aux yeux de l’État chinois, véhicule un bien sulfureux, germe subversif. Par la voix diplomatique, l’Eglise tente, mais en vain, de trouver, avec l’État chinois, une solution de compromis à une situation insoutenable pour des milliers de chrétiens qui n’avaient jamais abjuré leur foi.
Situation terrible, dramatique: persécution, emprisonnement, torture. Mais, rien n’y fait. Plus on les maltraite, plus la foi de ces Chinois grandit. Ils ne se terrent même pas dans des catacombes. Sourds à la peur, ils se rassemblent en petits groupes et, arrive que pourra, ils annoncent le royaume de Dieu. Jetés en prison, puis libérés au bout de plusieurs années, parfois, ils recommencent à la sortie, ivres, plus que jamais, du Dieu de Jésus-Christ; ivres de l’évangile, parce qu’ils s’en nourrissent, ayant compris que l’Evangile est vie.
Où irons-nous, Seigneur, car vous avez la parole de la vie éternelle. Sur ce point, sur ce point de la nourriture spirituelle qui est l’Évangile, nos frères musulmans nous dament le pion. Leur piété, qui peut nous paraître mécanique, a, en fait, pour support, une solide connaissance du Coran, que tout petits déjà, on leur apprend à aimer et à respecter, verset par verset. Tout le monde se souvient des fureurs de maître Thierno, lorsque, récitant sa leçon, Sambala Dialo, son jeune élève, se trompait d’un seul petit verset. La connaissance méditée des textes sacrés est une force. Celle qui fait les martyrs; parce qu’elle nous fait mépriser les périls, parce qu’elle nous fait triompher de la peur. L’Evangile méditée est joie. Je me souviens de l’intense jubilation qu’éprouvait ce directeur du séminaire Libermann, lorsqu’il lisait l’Evangile. La joie est partagée dans l’amour. Pensez au comportement peu sage, à nos yeux, de cette femme de l’Evangile. Elle est pauvre, pour tout avoir, un petit sou. Et voilà que ce petit sou, elle le perd, elle ne sait comment. Affolée par cette perte inestimable, elle s’emploie à le retrouver. Elle fouille, fouille, encore et encore, tous les recoins de sa maison. Et lorsqu’en fin, elle retrouve la petite pièce, elle ne cherche nullement à la mettre en lieu sûr. Une joie débordante l’envahit qui lui fait oublier la plus petite règle de prudence économique. Le réflexe de l’épargne. Elle ne peut se contenir. Il faut qu’elle partage. Alors, elle se précipite dehors, appelle les voisines, achète ce qu’il faut, autant que le lui permet la précieuse petite pièce. Elle donne une fête. Elle ne recule pas devant la dépense.
Les Babeembe du Congo-Brazzaville disent: «kiminu ti munzo kukuk’pe». L’évangile, à l’image du sou de cette femme, est un trésor inestimable. Il donne tant de joie à celui qui l’a trouvé qu’il ne peut le garder pour lui. Le problème, pour nous, c’est, comment dans ce siècle agité et où les progrès vertigineux de la science viennent corser l’énigme de la destinée humaine et affectent la qualité de notre foi.
Le problème donc, c’est: comment faire pour s’évangéliser, trouver le temps pour s’évangéliser soi-même, afin de rester ou devenir cette source pure de joie spirituelle qui rayonne alentour et entretient le feu de l’espérance? Comment faire pour rester ou devenir ces enfants droits et sans malice du dimanche de quasi modo: «Quasimo geniti enfantes rationabiles sine dolo lac concupiscite». Pour sûr, les temps sont difficiles, la crise sociale et spirituelle permanente. Nous pouvons, alors, nous féliciter, anciennes et anciens, d’avoir passé de longues années dans ces maisons de formation, au temps maintenant lointain où ces établissements étaient encore capables de donner aux adolescents, aux jeunes filles et jeunes gens que nous étions, cette formation de l’intelligence et de la sensibilité qui prépare à l’accueil de l’Evangile. De sorte que l’association que nous formons est, aujourd’hui, la concrétisation de notre besoin de partage de l’Evangile dont nous avons été nourris au séminaire et au juvénat et pas seulement le lieu où, ensemble, on est heureux d’évoquer des souvenirs partagés du bon vieux temps.
Certes, il s’en faut de beaucoup que nous soyons des Saints, du moins pas tous. Mais, assurément, (je me plais à y croire); mais assurément, nous sommes loin d’être de mauvais bougres et de méchants garnements dans notre vie sociale et notre relation à Dieu. L’offensant sans cesse, nous lui faisons toujours promesse de mieux l’aimer, de mieux le servir. Et cela, grâce aux provisions de l’Evangile que nous avions faites au juvénat et au séminaire. Nous ne sommes pas des Saints, c’est-à-dire des gens dont la conduite est constamment conforme aux préceptes évangéliques. Et cependant, grâce à l’Evangile auquel ils reviennent toujours, malgré leurs faiblesses terribles et leurs poids de pierre, il existe, parmi nous, des frères et des soeurs, par leur vie pieuse, bien au dessus de bien des pasteurs de nos paroisses affligés d’anémie spirituelle sévère. Et qui doivent être, de ce fait, une préoccupation, un souci permanent de notre association qui ne doit pas se limiter, j’y reviens, à n’être qu’un espace de convivialité heureuse.

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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.