mardi 31 décembre 2013

Nelson Mandela ou enfin la sagesse au pouvoir

Quête et conquête de la vie bonne, le philosophe définit la sagesse comme l’ensemble hiérarchisé et réfléchi de nos désirs. Voilà sans doute pourquoi, lorsqu’il s’agit de l’exercice si difficile et si délicat du pouvoir politique, pour éviter ses dérives dévastatrices, Platon ne voit pas qui, mieux que le philosophe, peut être aux commandes. Lui qui est, par vocation, l’amoureux de la sagesse. Cependant, lorsqu’il s’agit de politique, la sagesse n’est pas à prendre au sens où l’entendaient les philosophes anciens: sommet du savoir, mais simplement sens avisé dans la conduite de soi et des affaires humaines.

Du pragmatisme roulé dans beaucoup de prudence. La prudence qui est, on a tendance à l’oublier, une vertu intellectuelle et cardinale. Et c’est la sagesse des grands hommes d’action: Périclès, Richelieu et, bien sûr, Nelson Mandela. Et c’est le signe d’une grande intelligence. Mais qui n’a rien avoir avec l’intelligence contemplative et spéculative du philosophe qui tombe au fond d’un puits, à force d’élévation au-dessus du réel. Le sage a, certes, l’intelligence pénétrante du savant, seulement, il en tourne la pointe vers l’action à quoi il ajoute le cœur, les raisons du cœur. Et c’est le portrait de Mandela. Mandela aura eu tout ce par quoi Gobineau et tous les racistes qui sont des crétins ou des malades définissent la race supérieure et blanche.

Mais est-ce hasard si tous les groupes humains de la terre (les fameuses races!), des Blancs aux Jaunes, en passant par les Rouges, comme d’instinct, se soient rendues à Soweto rendre hommage à un homme, dans la hiérarchie des racialistes et des racistes, logiquement classé dans la dernière race? Cette classification aberrante ayant eu pour conséquence funeste, dans le passé, qu’il nous en souvienne, la traite des Noirs, le colonialisme dont, aujourd’hui, les descendants de ceux qui les commirent (car ce sont des crimes horribles), lorsque, par bonheur, ils en prennent conscience, se demandent comment a-t-il été possible que des hommes civilisés soient descendus à un tel niveau de sauvagerie et de barbarie. A tous ces barbares étonnés, Mandela enseigne la condition humaine, riches ou pauvres, Blancs ou noirs, notre lot commun, avec l’obligation morale de la vivre en hommes conscients. Aux chrétiens même qui parlent plus qu’ils n’agissent, il aura enseigné l’Evangile en acte et qu’un christianisme non pensé, non médité et non agi conduit à l’ornière du rituel. Les chrétiens d’Afrique qui ramènent la spiritualité à la gesticulation rituelle entendront-ils Mandela? Mandela est un modèle.

 Mais campé sur une telle hauteur d’exigence, qu’il faut craindre qu’il ne reste longtemps inimitable. En tout cas, face à Mandela, comme tous ces hommes Noirs de pouvoir paraissent des nains grimaçants qui ont, cependant, le toupet et l’outrecuidance de se réclamer de Mandela. Si demain l’Afrique veut tout de même convaincre que, loin d’être un pur accident de l’histoire, Mandela est le pur produit de la sagesse africaine qui peut en produire d’autres, il faut que ceux qui parlent au nom de Mandela jettent la sonde dans le riche patrimoine culturel et spirituel de l’Afrique et s’en inspirent. Rien d’autre à faire pour avancer. L’intelligence et la sensibilité de Mandela devant la mémoire de qui la terre entière s’incline, s’y reconnaissant, ne furent façonnées par aucune idéologie étrangère. Sa stature morale exceptionnelle fut fortifiée et structurée certes, dans la lutte et l’adversité, mais la racine est bantoue et Nègre.

Dominique Ngalla-Ngoïe




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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.