vendredi 14 mai 2010

Rigueur, le mot va sauver l'Europe.

Dans une civilisation que tout tend à décrire comme libérale il est de mauvais ton d'évoquer, à quelque niveau que ce soit, des notions symbolisant le contrôle, la retenue et surtout la rigueur. Ce dernier mot peu recommandable,en vogue en Europe du fait de l'Etat peu reluisant des finances publiques,on le retrouve pourtant à quasiment tous les niveaux de l'organisation sociale: la famille, l'école, le travail.

Que l'on soit parent, enseignant, cadre supérieur cadre moyen ou ouvrier, cette notion, sans l'employer, nous y avons recours très souvent. Elle intervient lorsqu'à nos enfants nous souhaitons inculquer une discipline et des valeurs, à nos élèves des méthodes, à nos collaborateurs une approche stricte de traitement de tâches ou de dossiers par exemple. Pour certaines professions le manque de rigueur est rédhibitoire, la rigueur y est donc "de rigueur": juriste, comptable. En dehors de ces professions qui seules me viennent à l'esprit, il me semble que cette qualité, à moins qu'il ne s'agisse désormais d'un défaut,est une exigence pour tous ceux qui usent de raisonnement et de prudence dans leurs activités. Ainsi un philosophe, un mathématicien, et même un historien parce qu'il manipule et met au jour des données qui éclairent notre passé et nous permettent de comprendre le présent, doivent raisonner et opérer leurs choix avec la plus grande rigueur.

Le contraire de la rigueur, en ce qui concerne l'attitude et les moeurs surtout, c'est le relachement, la légèreté(cf. les moeurs relachées des sportifs et autres personnes s'adonnant facilement à des pratiques honteuses).Encore que là, rigueur ou pas, condamner ce genre de pratiques simplement parcequ'on est de moeurs plus retenues et plus austères serait faire preuve de moralisme dans un monde faisant l'apologie du nihilisme; seule la loi,manifestation de l'intérêt général, lorsqu'elle réprime de tels comportements, est autorisée à les sanctionner.

Bien au dessus de cette rigueur touchant des individualités, des singularités donc, il est une tout autre rigueur, affectant,elle, une société dans son ensemble. D'essence publique et économique, elle est destinée à corriger les relâchements budgétaires par des mesures correctives sévères et impopulaires. C'est de cette rigueur dont il est question en ce moment en Europe, notamment au sein de la zone Euro. L'actualité récente nous a montré une Grèce en grande difficulté, presqu'en faillite, sauvée par l'intervention de ses soeurs d'Europe et du FMI. Pour éviter aux autres membres de la zone Euro plus ou moins près de sombrer eux-aussi et surtout pour retrouver l'équilibre budgétaire recommandé par le Pacte de Stabilité européen, le recours à l'impopulaire et effrayante rigueur était le seul moyen trouvé par les dirigeants européens. L'Espagne, par exemple, a annoncé un renforcement du plan de rigueur mis en place au mois de janvier. Sont annoncés 15 milliards d'économies supplémentaires dans les dépenses publiques et une diminution de 5% du salaire des fonctionnaires à partir de juin. Ce coup de pédale supplémentaire serait le résultat des recommandations non seulement des partenaires Européens de l'Espagne, mais aussi de puissants ultra-européens...

En France où le déficit public devrait atteindre 8% du PIB en 2010, loin des 3% du Pacte de Stabilité européen, les mesures d'austérité annoncées par le Premier ministre François Fillon refusent d'être considérées comme un plan de rigueur, le mot y est mal vu, mais, malgré le douloureux effort de ne pas prononcer ce mot, les mesures annoncées sont d'une une forte ressemblance avec les mesures exigées par la rigueur budgétaire. Tout le monde, des syndicats à l'opposition, voit dans ces mesures des caractéristiques d'un plan de rigueur: gel des dépenses de l'Etat, effort de productivité demandé aux opérateurs publics, réduction des niches fiscales et sociales. Seul le gouvernement définit différamment la rigueurr: "La rigueur, c'est quand on réduit les dépenses et qu'on augmente les impôts".

Cunctator.

3 commentaires:

Obambé a dit…

Bonjour,

Je ressemble souvent à un doux rêveur, à un utopiste, mais tant pis. Sur ce plan, je ne déroge pas à ma ligne, jusqu’à ce qu’on me prouve que je suis dans le faux. Or, pour ça, j’attends. Un politique, à mon avis, se doit de dire la vérité au peuple, à ses électeurs, aux contribuables. Un politique qui a la charge de la gestion de la cité (ministre, maire, président de la République, je mets délibérément de côté les conseillers des chefs d’Etat qui, pour moi, n’ont pas à s’exprimer publiquement tant qu’ils sont en fonction) n’est pas là pour plaire, pour faire beau, pour se faire aimer. Si c’est ce qu’il veut, qu’il change de carrière : le foot, le cinéma, les arts l’attendent de pied ferme et à bras ouverts pour cela. Voir toute une classe politique, un parti entier aux affaires comme l’UMP (cas de la France) qui n’a pas les c… pour dire le mot et faire comprendre aux Français que la ceinture doit être serrée encore plus, c’est grave. C’est dire le niveau atteint dans ce pays sur ce plan. « I have to offert ou you some blood, the sweat and tears » avait dit le Vieux Lion Britannique à la Chambre des Communes le 13/05/1940. C’était il y a 70 ans, mais peu ont les foies pour en être digne. Comment peut-on dire tous les jours, « Nous devons être rigoureux » et en même temps avoir peur du mot « rigueur » ? Il y a trop de choses qui m’échappent...

On me dit souvent (mes amis qui se disent de Gauche) que, si justement le mot rigueur est lâché, le peuple leur dira « Dans ce cas, serrons-nous tous la ceinture ». Certes. Oui. C’est possible. Mais cela fait des années que les mouvements citoyens en Europe occidentale demandent une relative équité, à défaut d’égalité (qui est un leurre, peut-être faudrait-il réviser cette devise ? je laisse les Français y réfléchir). Les politiques, qui ne sont pas tous hermétiques, qui ne vivent pas tous en vase clos savent très bien que leurs peuples en ont marre de les voir mener une vie dispendieuse, à mille lieues des réalités de l’écrasante majorité de leurs compatriotes, ces politiques, disais-je, sont bien conscients des attentes du peuple. Mais cela fait un moment qu’ils ont établi certains privilèges (même si officiellement depuis 221 ans il n’y a plus de privilèges au royaume de France…), se sont octroyés des avantages pharaoniques, sur le dos du contribuable. Un bruit de plus, une demande de plus de la part de ces mêmes contribuables ne serait qu’un crachat de plus sous la pluie. « Ça leur toucherait une sans en bouger l’autre », selon le principe cher à Jacques Chirac, grand poète s’il en est.


En attendant, les déficits se creuse à une vitesse impressionnante, à commencer as celui de la Sécu qui atteint des proportions volcaniques. Mais il ne faut pas parler de rigueur. Le mot est tabou, il est interdit. Il est même d’une grossièreté incroyable. Pourquoi ne pas demander aux Larousse, et Petit Robert de le retirer purement et simplement de leurs dicos annuels. Il y a bien des mots qui mots qui disparaissent chaque année du vocabulaire, non ? Et on pourrait le remplacer peut-être par « Rigoritude ». Ça a de la gueule, non ?

O.G.

PNN a dit…

Il a de la gueule ton commentaire, je te propose le poster sur ton site, à moin que ce ne soit déja fait. Beau texte.

Obambé a dit…

Cunctator,

je le mettrai un de ces 4...
Merci.

O.G.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.