jeudi 3 janvier 2013

Culture, civilisations occidentales et africaines placées en perspective dans le schéma de l’inculturation




Est-il vrai que, pour cerner, de façon non équivoque, l’esprit de l’Evangile, pour comprendre son message, les Africains et tous les peuples étrangers à la culture judéo-chrétienne, ont besoin que l’Evangile et le christianisme leur soient donnés en leurs langues dans leurs cultures?

Réponse: oui, à condition d’ajouter, tout de suite, que la réponse est non, si on tient compte de la marche de l’Histoire qui met fin à l’isolement de l’Afrique, ouvre sur d’autres mondes, ses sociétés de ce fait progressivement traversées et subverties par les logiques de modèles culturels venus d’ailleurs, principalement de l’espace social judéo-chrétien dont l’Eglise africaine, au motif que l’Evangile se trouve enrobé dans les cultures de cet espace et que cet enrobement fait obstacle à une bonne compréhension de l’Evangile par les Africains, cherche à se déprendre.

Sur bien des aspects, depuis les rafles et les déportations de la longue traite des Noirs, terminée par la violence coloniale, l’identité des cultures africaines que d’aucuns pensent immuables, n’avait cessé d’évoluer et de se transformer. Et c’est chance que, comme de l’autre côté de l’Atlantique, celles des Caraïbes et de l’Amérique du Sud, elles n’aient pas été totalement laminées et réduites à pas grand-chose. Les cultures et les civilisations africaines ont résisté, mais les sociétés dont elles sont le support spirituel ayant été à ce point affreusement violentées, ces cultures africaines ne sont-elles pas, depuis, devenues de «drôles» de cultures, plus proches, parfois de la culture judéo-chrétienne que ne le sont les cultures et les civilisations d’Asie sur lesquelles le choc de l’impérialisme des pays occidentaux de civilisation et de culture judéo-chrétienne fut tardif et de peu de durée? Il en est résulté, et bien des faits le montrent, que, hors le racisme primaire des attardés et des imbéciles, nègres d’Afrique et judéo-chrétiens blancs sont plus proches dans leurs visions du monde, leur sensibilité et leurs aspirations, que les Asiatiques et ces mêmes judéo-chrétiens blancs.

Ces données, sans l’invalider totalement, nous obligent à nuancer beaucoup la thèse selon laquelle les Nègres d’Afrique ne peuvent comprendre, et donc vivre le message chrétien, que chaussés et casqués de leurs cultures nègres. Mais, de quelle culture authentiquement africaine et nègre peut se prévaloir l’universitaire entré au lycée français à 12 ans, et fils d’un chauffeur ou d’un cuisinier d’un évêque blanc, suffisamment dégrossi pour que le prélat l’ait facilement introduit dans les «milieux blancs» les plus divers? Quel est le contenu de la culture nègre de ce médecin, fils d’instituteur? La culture de la classe moyenne africaine est, en vérité, une culture de mélange et d’acculturation où la composante occidentale, selon les registres, s’affirme prépondérante. Cette catégorie de personnes n’a pas besoin d’être conduite à l’Evangile et au christianisme par la voie de l’inculturation ou qui emprunte, pour aller à l’Evangile, les catégories de la culture africaine. Les autres couches sociales, non plus d’ailleurs, parce que l’école leur a, depuis, ouvert le livre du monde et proposé une explication rationnelle du monde assez convaincante qui, parfois à leur insu, leur fait prendre leurs distances avec leurs cultures d’origine. Et si, sur le conseil pressant des hommes d’Eglise, ils se résolvent à y retourner, c’est, en quelque sorte, par fierté «nationaliste», le plaisir intellectualiste de redevenir soi-même, un nègre authentique.

Mais, on s’en doute, ce nègre authentique est, depuis l’ouverture de l’Afrique à la culture judéo-chrétienne, un nègre de métissage dont l’authenticité est devenue tout simplement hypothétique. L’histoire est passée par là, irréversible; le nègre authentique des origines revit certes, et reprendra du service, mais dans notre imaginaire. La culture africaine authentique après laquelle court l’Eglise africaine, pour mieux enraciner la foi de ses fidèles, relève du fantasme et sa reconstitution forcée et sans esprit critique peut mener l’Eglise africaine à de bien étranges formes d’expression de la foi, plus proches de l’esprit et de l’essence du paganisme qu’elle combat que de la religion de Jésus-Christ et de Paul de Tarse.







1 commentaire:

Anonyme a dit…
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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.