mardi 11 décembre 2012

Chronique des temps anciens et modernes : L’Afrique et ses experts

Le Tiers-monde en général et l’Afrique en particulier ont initié des politiques de formation des cadres dont on peut dire qu’elles se sont révélées efficaces. Ce sont souvent des cadres de haut niveau. Et toutes les administrations en sont pleines. L’on peut même dire que dans beaucoup d’entre elles, il y a pléthore. Ce qui conduit à des compressions douloureuses, surtout lorsque les institutions de Bretton Woods s’en mêlent! Mais, il est davantage douloureux de noter que maints cadres des pays africains sont peu ou pas du tout pris pour des experts, par leurs gouvernements. En effet, tout se passe comme si la formation des médecins, ingénieurs, magistrats, avocats, professeurs d’universités, journalistes et tant d’autres spécialistes nationaux n’avait vraiment servi à rien. D’autant plus que lorsqu’ils regagnent leurs pays respectifs, ils sont nombreux à se retrouver dans des cabinets rattachés à la présidence de la République, dans les ministères, les cabinets des ministres ou à la tête des entreprises pour lesquelles ils n’ont pas toujours reçu la qualification requise.

Bien entendu, l’accession à toutes ces structures de direction obéit, dans la plupart des cas, à des critères trop peu orthodoxes pour que l’on puisse s’empêcher de penser à un système relationnel fait de tout le subjectivisme imaginable. Néanmoins, le plus stupéfiant et le plus humiliant à la fois, c’est lorsqu’utilisant pourtant ces cadres, ces technocrates bardés de diplômes et frais émoulus de toutes les universités et grandes écoles de France et de Navarre, d’Orient, d’Occident et même de l’Afrique du Nord au Sud du Sahara, les pouvoirs publics ne leur font pas entièrement confiance.

En vérité, chaque fois que se ressent le besoin de constituer des dossiers stratégiques sur l’état de la nation, ces experts bien de chez nous ne comptent plus pour grand-chose. On leur préfère les experts d’Orient et surtout d’Occident; des fonctionnaires internationaux dont certains sont d’anciens condisciples avec lesquels ils ont rivalisé d’intelligence et de savoir-faire jadis et naguère. Les pouvoirs publics semblent toujours s’abstenir de mettre en compétition experts étrangers et nationaux. Mais peut-être sont-ils d’autant moins sûrs de leurs propres experts que parce qu’au moment de négocier, par exemple, des marchés à l’étranger, ceux-ci se sont plus souciés de leurs 10% que du développement de la nation.

Certes, mais certains experts étrangers ne sont experts en ceci ou en cela qu’autant que leur pays est une grande puissance et leur université ou école de formation et de spécialisation, prestigieuse. Car, le savoir qu’ils croient venir communiquer aux autochtones n’apporte quelque fois à ceux-ci rien qu’ils n’aient déjà su. De même, le «brillant expert» des bords de la Tamise, de la Seine et de l’Hudson est parfois si peu convaincant qu’il se contente d’énoncer des données intellectuelles trop inspirées de sa culture et de son milieu originels pour être utiles au pays hôte. Quoi qu’il en soit, ces experts venus d’ailleurs sont innocents de ce déjà su dont ils viennent nous rebattre les oreilles, puisque nous ne parvenons pas à convaincre nos pouvoirs publics que nous sommes compétents et valons n’importe quel Hyperboréen et n’importe quel Martien!

En fin de compte, seule nous aidera, la conscience que nous devons faire l’Afrique et le Congo par nous-mêmes. Il nous faut absolument forger cette conscience.

Antoine YILA, La semaine Africaine du 11 décembre 2012, Brazzaville, Congo.

Professeur de Littératures française et comparée à l'université Marien Ngouabi, Brazzaville, Congo.






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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.