lundi 30 janvier 2012

La candidature d'Abdoulaye Wade, caricature de la pulsion grossière de s'éterniser au pouvoir

Opposant aux régimes de Senghor et de Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000 se voulait le champion du « sopi », le changement. Après deux mandats aux bilans mitigés, le deuxième surtout, ce diplômé en sciences économiques et avocat, loin donc d’être un rustaud, Maitre Wade, a plus 85 ans, souhaite, contrairement à la constitution qui depuis 2001 limite la possibilité d’exercer la présidence de la République à deux mandats successifs, briguer un troisième mandat. Douze ans au pouvoir, dans un pays aux institutions stables et fonctionnant selon des normes démocratiques, un pays en paix donc, suffisent, quand est sérieux, pour mener à bien un programme, une mission. Pas besoin donc d’en prolonger l’exercice et de justifier la velléité d’assumer un autre mandat par des arguments programmatiques. Le pouvoir grise et expose dangereusement à la tentation d’en abuser ; d’où la séparation des pouvoirs des régimes dits démocratiques et républicains. Pourtant Abdoulaye Wade, qui d’ordinaire se fait volontiers défenseur de la démocratie partout où elle se trouve « menacée », la menace gravement lui-même dans son pays le Sénégal à tel point que la confirmation de sa candidature par le Conseil Constitutionnel est qualifiée de coup d’état constitutionnel. En effet cette décision viole l’article 27 de la constitution sénégalaise selon lequel « la durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois », et qui prévoit par la suite que cette disposition ne peut être révisée que par référendum.


Ayant été adoptée en 2001, pendant le premier mandat de M. Wade, on pourrait penser que la réforme constitutionnelle limitant à deux le nombre de mandats du Président de la République ne s’appliquerait pas au Président en exercice au moment de son adoption. Ce n’est pourtant pas le cas, et à ce sujet la Constitution sénégalaise est formelle : « Le Président de la République poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables ». Abdoulaye Wade doit partir, il le sait, mais tel ses pairs qui allongent leurs mandats à souhait par des modifications constitutionnelles, il est lui aussi un grossier homme d’état passé du statut de brillant opposant à celui de Président d’un régime corrompu. L’exemple de Mandela n’est peut-être pas assez à sa portée pour qu’il s’en inspire. Mandela, outre son statut d’avocat, est un homme cultivé et plein de dignité ; l’imiter suppose une sensibilité élevée et une aptitude au détachement digne d’un anachorète. Après un mandat, il s’est retiré d’un pouvoir que le peuple sud africain était disposé à lui accorder de nouveau. Chez lui la culture a accompli sa vocation de transformer l’homme vulgaire en un homme chez qui la noblesse et le bien l’emportent sur la bêtise et la mesquinerie. C’est encore ce grand Mandela qui évita à l’Afrique du sud de sombrer dans le chaos qu’eût provoqué la chasse aux Blancs et l’éviction de ces derniers de l’appareil économique sud-africain.

M. Wade pour bien connaitre les valeurs spirituelles mourides et l’humanisme universel, n’en fait pas son éthique au demeurant ; il s’en moque, ses valeurs sont ailleurs. Ainsi s’en fout-il de causer du tort au Sénégal et aux sénégalais par sa volonté persévérante de présenter une candidature non seulement contestée, mais surtout illégale à la présidentielle. Persister dans une attitude qui mettrait le pays à sang et à feu prouve que notre homme a perdu la boussole et se range désormais dans la classe des malfrats qui, au lieu de diriger avec compétence et dignité, se caractérisent par la longueur inhabituelle, sauf en Afrique bien entendu, de leurs règnes. Des incultes sans véritable vocation présidentielle - car on est véritablement chef d’Etat que si l’on se soucie du sort de ses concitoyens -, qui n’ont cure que de leurs comptes en banque, de leurs familles et de leur cour.


Cunctator

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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.