lundi 21 novembre 2011

Le devoir de L'Eglise est de façonner la qualité de vie spirituelle à laquelle l'Evangile nous convie

Le populisme liturgique de nos célébrations eucharistiques est, faute de goût, grossier et ignorance des aspirations religieuses profondes de l’âme africaine. Le populisme, au sein de l’Eglise, est inadmissible lorsqu’il touche aux éléments matériels servant de support au contact du fidèle avec Dieu. L’obéissance à certaines exigences de tenue rend ce contact possible et bénéfique. La première exigence, au lieu de culte, ou ailleurs, est le recueillement, le rassemblement de notre être dispersé par mille problèmes de la quotidienneté. La rencontre avec Dieu présuppose une préparation soignée. Que celle-ci soit joyeuse n’implique pas qu’on y mette cette pétulance des liturgies africaines qui, bien vite, nous détourne de la raison de notre présence au lieu de culte.
Une mise entre parenthèse du flux des choses de la quotidienneté favorise le rassemblement et la concentration de notre être. Cela commence par le silence que, malheureusement, les Africains de l’Inculturation ont en horreur. Les Africains des bidonvilles surtout. Et c’est triste que ce soient ces Africains-là, si frustes, qui se mêlent de liturgie au sein de l’Eglise africaine qui, de plus en plus, se distingue des autres Eglises chrétiennes du monde par son amour du bruit, et la théâtralisation de l’expression de la foi, en se moquant pas mal de ce qu’on est convenu d’appeler le goût (capacité à sentir et à apprécier le beau).
Au fondement de la légitimation de tant de choses laides, en parfaite contradiction avec l’Evangile et le christianisme qui placent au centre de leurs préoccupations, l’éthique de l’exigence (le refus de céder à la médiocrité), une mauvaise interprétation, ce me semble, de l’inculturation dont le concile Vatican II faisait pourtant un principe de libération du génie des diverses cultures du monde. Les inventeurs de la nouvelle liturgie de la célébration eucharistique prétendent s’inspirer des liturgies des religions de l’Afrique ancienne. J’en conclus que, lourdement matérialiste, cette Afrique ancienne ignorait ce qu’est une spiritualité authentique.
Tout en pesant sur eux, celle-ci élimine au maximum, les éléments matériels susceptibles de constituer entrave au mouvement de l’âme désireuse de s’élever vers Dieu. Le corps, avec ses penchants tournés vers la matière, constituant la principale entrave. Or, la liturgie de l’inculturation fait une grande place au corps! Au fond, à force de vouloir vivre un christianisme authentique, c’est-à-dire inspiré de leurs cultures, où on danse beaucoup, les Eglises africaines revivent plus leurs religions traditionnelles que le message chrétien; de façon imaginaire d’ailleurs, puisque de ces religions abandonnées et oubliées depuis la colonisation et leur répression par les missionnaires, il n’est resté, chez nos habitants des bidonvilles, qu’une vague idée, des fragments de rites et de liturgies dont l’assemblage bricolé, puis baptisé chrétien, est proposé par la hiérarchie à la communauté des fidèles.
Naturellement, ceux-ci adhèrent, sans effort, puisqu’ils n’ont changé ni de culture, ni de religion, la religion de leurs ancêtres ayant juste changé de dénomination et de forme d’expression. L’adhésion au christianisme qui récapitule, dépasse et récuse nos petites religions matérialistes doit se traduire par la recherche d’une nouvelle forme d’expression d’une foi et d’une religion qui sont exigence d’excellence. Ces liturgies de boy scout révèlent, je le crains, la pauvreté intellectuelle d’une Eglise qui pense peu, et pour exprimer sa foi plutôt vague en l’Evangile, invente, sans effort, une liturgie instinctive de rustre et de bonne femme.
L’inculturation ouvrait, aux Africains, un espace de recherche hardie en théologie morale par exemple, ou en droit canon. Nous n’avons eu droit, jusqu’aujourd’hui, qu’à des bouffonneries liturgiques dont il serait illusoire d’attendre une amélioration significative de la qualité de la foi des Africains en rapide procès de retour à ce qu’autrefois, on appelait le paganisme. Attesté par ces prises d’assaut des lieux de culte le dimanche, l’ardent besoin de croire des Africains ne signifie pas qu’on doive, pour sa satisfaction, leur proposer n’importe quoi. Les Africains aspirent à une authentique spiritualité qu’on n’atteint certainement pas en laissant libre cours, en lâchant bride, à l’émotion brute et à la fantaisie, sous prétexte de les prendre comme ils sont, alors que le devoir de l’Eglise est de façonner leur sensibilité de rustre qui est une entrave de taille pour la qualité de vie spirituelle à laquelle l’Evangile nous convie.
L’Evangile de Jésus Christ n’a jamais été ces shows frénétiques des cultes des églises africaines, mais grave méditation du tragique de la condition humaine et du mystère de l’incompréhensible amitié de Dieu pour l’homme. Le sérieux et la gravité de nos frères musulmans en leurs mosquées ne pourrait-il inspirer ces chrétiens qui, avec cette sotte assurance, nous fabriquent des liturgies si tristement plaisantes?

2 commentaires:

Liss a dit…

C'est curieux, dès que j'ai commencé l'article, je me suis dit : on croirait lire D. Ng. Ng père, alors que c'est l'autre, son alter ego (ce que je croyais), jusqu'à ce que j'arrive à la fin. Je crois maintenant pouvoir distinguer la patte de chacun, ou c'est peut-être le thème abordé et la virulence du propos...(il me semble que tu as les griffes un peu moins acérées)
Mais dis-moi, Cunctator, n'as-tu pas déjà écrit un texte de ce genre ? Je me souviens avoir lu, dans cet espace, quelque chose de ressemblant, à moins que ma mémoire me joue des tours...

Cunctator a dit…

Non non liss, c'est le père cette fois. En quoi réside cette différence? Tu vois je t'avais bien dit que nous sommes très différents. Tous les textes relatifs à la religion chétienne telle qu'elle est vécue en Afrique où ailleurs sont de Dominique Ngoïe-Ngalla (père...mais il n'y a pas de Dominique Ngoïe-Ngalla fils; le fils porte un nom différent). Je te taquine, j'entends bien ce que tu veux dire.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.