vendredi 11 novembre 2011

Dans la démocratie ultralibérale les peuples sont moins souverains que les marchés financiers

Les marchés sont de retour ! Eux dont l’agonie après la crise des subprimes laissait espérer un retour des Etats qui, pensait-on, après avoir sauvé les banques de la faillite, exigeraient en contrepartie la régulation des marchés après des décennies d’autorégulation, ou si l’on veut de dérégulation néfaste. Les marchés se sont en effet réveillés. Le coup étourdissant de la crise des subprimes les avait sonnés, mais ce n’était pas assez ; le véritable coup leur aurait été donné si les Etats avaient réussi à les mettre sous leur coupe. Ayant rapidement retrouvé leur aplomb d’avant la crise, les marchés ont repris la place qu’ils se sont attribués depuis que quelques politiques, qui depuis ont répandu leur idéologie à travers la planète, avaient opté pour la voie ultralibérale en économie : moins d’Etat, plus de privatisation, moins de services publics, plus de spéculation hasardeuse. En gros depuis qu’on avait décidé que l’économie serait non pas au service des sociétés et de leur progrès, mais plutôt dédié à cause moindre, la rentabilité.


La crise européenne, crise de la dette souveraine, illustre bien la toute puissance des marchés qui dictent leur volonté aux Etats impuissants. Depuis des décennies les Etats s’endettent essentiellement pour soutenir leur fonctionnement, tant que les marchés, à travers les puissantes agences de notation, jugeaient bonnes leur capacités à faire face à leur passif. Devant L’impérieux devoir de renflouer les banques au bord de la faillite les Etats n’eurent pas d’alternative, ils durent recourir à des emprunts massifs. Cela ne fit qu’alourdir leurs dettes déjà énormes. Alors les agences de notation, relai des marchés, ayant pointé les difficultés de certains Etats à faire face à leur dette, tels des rapaces, notamment les fonds spéculatifs, se sont jetés sur ces Etats faibles, la Grèce d’abord, aujourd’hui l’Italie, créant la panique sur le marché des dettes souveraines et au niveau des politiques des autres Etats pressés de trouver des moyens de baisser leur niveau d’endettement.


Pour sortir de cette situation, la Grèce aujourd’hui, et demain les autres Etats attaqués, n’a pas eu d’autre choix que de recourir au FMI et à la solidarité européenne. Seulement le FMI est une institution ultralibérale, son intervention dans un pays qui ne peut plus emprunter sur les marchés est assortie de conditions drastiques qui à la longue ont un effet pervers sur l’économie d’un Etat. Pour se garder d’une contagion de la crise grecque, et d’autres indiscrétions des agences de notation devant lesquelles ils tremblent tant ils ont peur, pour les plus exposés, d’être les prochains sur la liste, les Européens ont accepté le dictat des marchés, ces dieux de notre ère dont le commandement suprême est de faire du profit. Ceux qui n’y arrivent pas subissent le châtiment d’une rigueur budgétaire d’une austérité rare.

Ce pouvoir des marchés n’est plus seulement un pouvoir, il s’agit désormais de la souveraineté des marchés. Cette souveraineté à laquelle nous sommes de fait soumis, celle de l’argent tout puissant vient de réaliser un fait d’armes hautement symbolique : Ils ont acquis une nouvelle prérogative, politique cette fois-ci. Plus souverains que les peuples, en ce que les mandataires des souverainetés nationales que sont les membres de l’exécutif, n’agissent désormais plus que dans l’intérêt des puissants marchés sans se soucier de consulter leurs peuples ou se moquant de l’avis du peuple. Georges Papandréou en a fait les frais qui, d’un élan de sincérité démocrate ou par tactique politique, a eu la folle idée de soumettre les dernières mesures adoptées par l’élite des dirigeants européens, pour sortir son pays d’une dette colossale, à l’avis de son peuple qu’il souhaitait consulter par référendum. Quelle folie ! d’après les dirigeants européens, les agences de notation et les marchés financiers. Pour eux les peuples n’ont pas être consultés ; la cure d’austérité, les pertes de souveraineté et la mise sous tutelle ne se discutent pas . Le fantasque Berlusconi doit son prochain départ non pas à des mécanismes démocratiques, mais à la nécessité du sauvetage de la zone Euro.



Dans une telle démocratie nous réalisons qu’à la vérité un acteur, dont les intérêts sont loin de converger avec l’intérêt général cher aux théoriciens du régime démocratique, est le véritable souverain en ce qu’il décide réellement du choix des chefs d’Etats et de gouvernement, des programmes et stratégies économiques, bientôt même du fonctionnement des Etats. Ils ont habitué les peuples disposant d’un droit de vote biaisé, tant ils ont réussi à réduire le clivage gauche-droite, à placer toujours les mêmes à la tête de leurs Etats, c'est-à-dire deux partis on ne peut plus flous sur leurs divergences idéologiques, économiques et sociales, enfin à instituer ça et là des oligarchies de telle sorte que voter pour tel ou tel revient à résoudre la même équation. Ne voyez pas là un appel aux extrêmes, mais trop c’est trop! Que sont des nations qui se veulent démocratique quand elles entretiennent des dictatures de fait devant lesquelles, comme des poltrons elles manquent de courage. Pusillanimité que l’on justifie d’ailleurs en reconnaissant qu’il existe peu, sinon pas d’alternative au système. Ce n’est pas ça la politique ! Livrer ainsi son peuple à des puissances totalitaristes sans se remuer ! C’est grave.

La souveraineté a commencé à être soustraite aux peuples à partir du moment où ces derniers, pourtant héritiers des révolutions françaises et américaines, des guerres contre le fascisme et le totalitarisme se sont peu à peu désintéressés de la politique. leurs intérêts étaient sauvegardés par les puissances capitalistes qui leur assuraient face au monde communiste décadent, face au tiers monde engoncé dans son indécrottable misère, une défense, des loisirs et de la consommation à profusion, les privant ainsi de la nécessaire réflexion qui seule assure aux hommes de rester lucides quant à leur condition politique, sociale, et simplement humaine. La perte de souveraineté qui se confirme s’est accentuée dès lors que la politique a paru aux classes populaires comme une sorte de show dans lequel se relaye des personnages aux propos absconses des experts et des technocrates. On faisant de la politique une affaire d’élites, on en a désintéressé la masse, dont la clairvoyance à dire « tous pourris, tous les mêmes ! » est raillée et jugée dangereuse sans donner lieu à de profondes analyses. La souveraineté des peuples ? Si les choses demeurent telles, il y a de fortes chances qu’elle ne soit plus qu’un vieux souvenir rangé dans les manuels d’éducation civique et de droit constitutionnel.



Cunctator.

Aucun commentaire:

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.