lundi 3 janvier 2011

Du bénéfice qu'on peut tirer des rapports virtuels

Enclin à la critique de la perversion du lien social que provoquent les réseaux sociaux, des rapports virtuels qu’occasionnent les les « SMS » et les « chats », les salves que je leur adresse çà et là ne manquent pas de faire réagir la faune qui se reconnait dans les phénomènes décriés. Ils me peignent en antimoderne, en mécontemporain ou en conservateur.

Dans cette guerre que je n’entends pas arrêter tant que des choses paraîtront désarticulées à mon entendement probablement dérangé et boiteux, puisque considérant nécessairement les choses à rebours de la façon dont les gens de ce siècle les saisissent, je propose néanmoins une trêve. Une paix précaire. Quoique j’éprouve de l’aversion pour les rapports virtuels, fades et sans véritable consistance, je souhaite ici applaudir certains de leurs vecteurs en ce qu’ils m’ont permis de faire des rencontres agréables et intéressantes à plusieurs points de vue. Quelques-uns d’entre ceux que j’y ai trouvé m’ont, approché, reniflé comme le font les bêtes, et enfin adopté. Nous sommes devenus des amis. Derrière l’anonymat des mots et des propos, des façons de s’exprimer, seuls éléments que je pouvais saisir dans ces échanges, certaines personnes m’ont laissé deviner une communauté de vues, une proximité de sensibilités. Cicéron considérait l’amitié comme l’attraction de la vertu par la vertu, moi je me sens lié à toute personne susceptible d’être mon frère en esprit et en raison, mon frère en humanité, ayant en commun le beau comme le laid. S’il est vrai qu’« un homme est tout l’homme » comme disait Sartre, l’ayant lui-même hérité d’une longue tradition humaniste, il est alors évident que je partage l’universalité de ma condition avec une foule de personnes que j’ignore et que je ne rencontrerai jamais. Dommage, la fête serait si belle avec tant de fous.

Lorsque sur l’un de ces réseaux sociaux je remarquais chez une personne un des traits saillants de ma personnalité, une passion ou des gouts communs, je lui souriais d’emblée où qu’il se trouvât, rapprochés que nous étions par les prouesses des communications électroniques. Tel le marin dont la vue n’aperçoit jamais au très loin que la mer mariée au ciel, puis, le bâtiment bien avancé, elle se précise, montre des formes d’abord confuses qui deviennent claires une fois la terre proche, mes amitiés de légères et virtuelles qu’elles furent prirent la consistance qu’oblige l’intelligence d’esprits parents.

Mon plus grand reproche à ces sortes d’agoras virtuelles, c’est qu'on y vient en général pour parler de babioles et de brimborions. Point besoin dans ce cas d'y consacrer un temps que je pourrais consacrer à autre chose. La réalité nous offre déja assez de bêtise pour vouloir s’en gaver en ligne. Cependant, malgré la forte présence de la sottise sur ces réseaux, il serait néanmoins malhonnête de la voir partout, il existe des blogs et des sites où la discussion sur des sujets sérieux est possible. C’est en fréquentant ces derniers que j’ai rencontrés mes charmants amis.

Aujourd’hui je tire de grands trésors de mes échanges avec ces amis de toile qui pour la plupart ont finalement pris chair. Selon leurs tempéraments, certains nuancent mes points de vue auxquels ma jeunesse et ma naïveté conservent l’indignation et la verdeur ; d’autres tempèrent mon irrévérence, ne me soumettant par tempérament qu’au noble et au beau ; d’autres encore, reconnaissant en moi un bretteur prêt à marquer de mon épée l’imbécilité, le fanatisme, la pensée unique, les sophistes et l’infâme, échauffent mon ardeur en parlant de certains sujets. Deux seulement d’entre ces personnes, qui d’ailleurs ne sont pas des centaines, et c’est eux qui inspirent ces lignes, me sont devenus très proches. La première est devenue ma marraine de guerre après que je lui ai parlé de mon admiration pour la bravoure d’Ajax, le plus vaillant des Achéens après le divin Achille. Sa connaissance de celui qui très longtemps avant moi fut surnommé Cunctator lui fit m’octroyer un autre surnom de cet illustre homonyme. Quelle charmante personne que ma marraine de guerre ! Ouverte, sensible et intelligente, je fus attiré par sa différence et par sa liberté. La seconde personne est quasiment de ma parenté par la proximité de nos terroirs. Mais cela n’est pas suffisant pour fonder une amitié, les premiers imbéciles à craindre sont ceux qui nous sont proches. Pour l’avoir rencontré presqu’en même temps que ma marraine de guerre, nous ne sommes devenus copains que bien plus tard. Ce grand frère, sorte d’entraineur de son cadet, ne me traite pas avec la hauteur bienveillante qui bien souvent caractérise les rapports entre grands et petits. Il me traite mieux que cela, n’hésitant pas à me faire rire grâce à son sens aigu de la provocation. Sa langue en effet foisonne de formules capables de ridiculiser les fats les plus surs. Facilement il dissipe certaines considérations qui me gênent, et m’encourage à être moi-même.
Cunctator.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

eh oui, il convient de garder l'esprit ouvert et d'accepter les mains tendues, les échanges proposés... Les surprises n'en sont que meilleures!
L'humain existe, idiot ou fou, odieux ou bon, l'humain existe!
Qui suis-je?
Meilleurs voeux!
X !!!

GANGOUEUS a dit…

:O)

Belle analyse. Il y a de tout. Je pense qu'un jour, si le temps m'était accordé, j'écrirai un polar sur un tueur en série qui traquerait ses proies sur Facebook, qui commencerait par découper enfants exposés de manière totalement libres sur cet espace, puis punirait les parents par des rituels troublants et sanguinolents trouvés sur ce même espace... Je rigole, mais cela peut-être une piste intéressante pour susciter méfiance et prudence chez les internautes...

Un média se doit d'être maîtrisé quand on veut en faire usage, si on ne veut pas en subir les conséquences. A+!

Cunctator a dit…

Merci pour vos vœux, commentateur anonyme, je vous souhaite également une très bonne année 2011 et surtout de très belles rencontres numériques...

@Gangoueus: La place que tu occupes dans la blogosphère ne tardera pas, vue ton engouement à se matérialiser. Il serait effectivement intéressant que tu écrives quelque chose en relation avec le net. C'est comme pour la vie, il y'a de tout comme dit l'autre, des fous, des sages et même des putains. L'Evangile ne dit pas autre chose, ce sont des hommes, donc tous dignes de recevoir la grâce divine...
Autre chose, Janvier arrive à sa moitié, je dois réparer tous ces ratages du mois dernier. :O)

St-Ralph a dit…

Bravo, Cunctator, pour cette brillante analyse des nouvelles formes de communications ou de relations que génèrent les nouvelles technologies. Cela fait presque un an que j'ai préparé des images pour illustrer un article sur le sujet. Mais le courant de la vie m'a entraîné dans d'autres directions.

Il est indéniable que les nouvelles technologies ont facilité et accéléré les liens et les communications. On ne peut nier leurs retombées positives. Avec raison, tu as insisté sur les productions que nous publions sur le net et qui permettent - comme le miel qui attire - de découvrir des affinités avec des personnes qui sont à l'autre bout du monde. Il arrive aussi que certaines réactions nous découvrent ceux que nous n'aimerions pas côtoyer dans notre vie. Moi aussi je me réjouis de ces amitiés virtuelles ; car l'amitié c'est d'abord la rencontre de deux esprits qui s'apprécient. Et c'est la seule chose qui rend ces amitiés virtuelles possibles. Si les corps se cherchent, se rencontre et fusionnent, les esprits aussi ont leur vie, leurs besoins, leurs rêves, et apprécient de se retrouver.

Cependant, comme toi, non seulement je tourne le dos aux multiples formes de communications que permettent les nouvelles technologies, mais encore je m'en méfie. Je ne suis pas dupe de toutes ces relations superficielles que certains entretiennent sur les réseaux sociaux. Que l'on se pose cette question : dans une vie, combien un humain compte-t-il de vrais amis qui sauront lui ouvrir leur porte en cas de réelles difficultés ? Dans une vie, combien de personnes restent chères à notre coeur durant dix ou quinze ans ? Combien de personnes perdons-nous de vue mais qui demeurent chères à notre coeur dans le temps ? Je fais la différence entre passer un bon moment avec une communauté "d'amis" et échanger avec des amis qui comptent dans ma vie parce que mon esprit se trouve en accord avec eux. Ces derniers, ne nous trompons pas, rarement ils sont plus d'une dizaine dans la vie d'un être humain. Par conséquent, ceux qui sont fiers de compter des centaines d'amis dans le monde, je les plains ! Qui beaucoup embrasse, mal étreint, dit le dicton.

Réjouissons-nous donc d'avoir peu d'amis ; mais des personnes avec lesquelles nous échangeons pour apprendre tout court, des personnes avec lesquelles nous nous réjouissons de nos découvertes, de nos passions. Des personnes qui nous donnent le sentiment d'être bien avec nous-mêmes.

Encore bravo pour cette belle réflexion !

Cunctator a dit…

Merci St-Ralph, en effet, "si les corps se cherchent, se rencontre et fusionnent, les esprits aussi ont leur vie, leurs besoins, leurs rêves, et apprécient de se retrouver.". J'aime bien cette phrase de toi. Mais tu me diras, la recherche d'esprits parents est de plus en plus rare, le sens de l'échange disparait tant on se complet et on s'engonce dans nos individualisme exacerbé. Les amis, les amis, tu sais! ce terme est tellement galvaudé que même une personne rencontrée hier devient un ami. L'amitié de cicéron, si tu ne l'as pas lu est un beau texte. je te conseille la version biligue, la traduction fait ressortir la belle langue de Cicéron.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.