vendredi 23 octobre 2009

Les catholiques africains demandent un Pape Noir

L’élection d’Obama à la tête de l’Etat du pays le plus puissant du monde a donné des idées aux chrétiens d’Afrique d’obédience romaine. Le Pape en effet règne sur des millions et des millions de chrétiens répartis dans le monde entier. Quel bonheur et quelle fête le jour où ce Pape serait un Noir d’Afrique ! Après avoir demandé et obtenu de Rome la célébration du culte en langues locales, les catholiques africains n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils veulent maintenant un Pape de leur couleur ! Est-ce dans l’espoir de vivre plus pleinement l’Evangile ? L’inculturation (l’effort pour donner une couleur locale à l’expression du message évangélique) n’ayant de chance de tenir ses promesses que par la nigrification du sommet de la hiérarchie de l’Eglise romaine, Mais on peut douter que de simples changements formels suffiraient à affermir les convictions religieuses des africains, soudain dopés et vivant mieux leur foi. Tout laisse penser au contraire que, pas plus que l’inculturation n’a amélioré la qualité de la spiritualité des africains, l’installation d’un Pape Noir à la tête de l’Eglise ne les rendra meilleurs chrétiens ; Certes, l’avènement d’un tel Pape nous ferait bondir de joie. Satisfaction de vanité légitime, semblable à celle que nous a donnée l’élection d’Obama aux Etats –Unis, Noir comme nous, et d’origine africaine. Mais pour l’essentiel, l’affermissement de notre foi et la transformation de nos misérables existences de pêcheurs où nous sommes si peu capables d’un peu de bien, il faut, hélas, avoir l’honnêteté, l’intelligence et l’humilité d’avouer que nous nous berçons d’illusions.

Le changement qualitatif de la spiritualité de l’Eglise africaine viendra d’autre chose : de la prise de conscience par les africains, des obstacles qui freinent la bonne marche de l’Eglise africaine. S’ils croient en l’Esprit Saint, il faut qu’ils lui demandent de redresser ce qui est tordu en eux, de briser la glace de leurs cœurs, d’affermir leur foi. S’ils ont la patience de demander cela, le reste leur sera donné par surcroit. Y compris d’avoir un jour un Pape Noir ! Qu’ils prennent conscience des faiblesses de leur Eglise : faiblesse intellectuelle, faiblesse spirituelle cachée derrière la chaleur des célébrations tapageuses et le nombre sans-cesse croissant des fidèles. Si faible cette Eglise comment ses fidèles peuvent-ils avoir la naïveté de croire que l’autorité morale qui lui manque, l’avènement d’un Pape Noir suffirait à la lui donner ? La transformant, comme ça, d’un bloc ! Mais un Obama à la tête des USA ça se mérite. Un Pape Noir à la tête de l’Eglise catholique ça doit se mériter aussi. L’Eglise d’Occident n’est pas puissante et n’a sur le monde l’autorité qu’on sait parce qu’elle a à sa tête un Pape Blanc. Elle est puissante parce que d’une part, du point de vue de la formation intellectuelle son clergé est solide, et que d’autre part, malgré de graves défaillances, parfois, en permanence elle se bat pour toujours plus de vie chrétienne en son sein. Fluctuat nec mergitur. Malgré l’orage le navire tient bien la mer et ne sombre pas. L’ambiance délétère introduite par le libéralisme économique et la frivolité subséquente vide certes les églises abandonnées à une petite poignée de personnes âgées. Cependant, dans le même temps, les monastères ne cessent de bourdonner de la prière de centaines et de centaines de moines de plus en plus étonnamment jeunes. Eglise vivante d’Occident dont la sève ne tarit pas. Les crises les plus effrayantes la relancent et la portent toujours plus haut. Et parce que dès les origines elle se porta à la pointe du combat pour éduquer, civiliser, ne craignant pas de travailler de ses mains, l’Eglise d’occident fut capable pendant des siècles, de contenir tant de barbarie qui avait déferlé sur l’Europe et menaçait d’engloutir l’Eglise elle-même.

Il n’y a qu’en se battant de cette façon que l’Eglise africaine pourra aider à endiguer tant de violence paralysante et tant de barbarie. Ce sont des obstacles terribles à la progression d’une foi solide. Et aussi longtemps qu’elle ne prendra pas toute la mesure de sa misère intellectuelle, spirituelle et morale, l’Eglise africaine sera inutile à l’Afrique et au monde à la tête duquel elle veut installer un Pape Noir. Il y a même tout lieu de craindre quelle finisse dans l’ornière, méconnaissable, engluée dans le folklore le plus grotesque. Longtemps, l’autorité morale de l’Eglise africaine reposa moins sur la solidité de son enseignement que sur la dignité de vie du prêtre, sa moralité, son témoignage. C’est vrai qu’elle était alors missionnaire. Jusqu’à l’indépendance, elle ne compta qu’un petit nombre de prêtres indigènes. Ce qui caractérisait cette Eglise là ? Un sens profond des exigences du sacerdoce chrétien. Certes, tous n’étaient pas des saints ; mais chez beaucoup d’entre eux, ce désir et cette volonté joyeuse de vivre une vie toute d’ascèse et de mortifications. Un haut idéal de spiritualité fait du mépris consenti des choses de ce monde : argent, amour, gloire. Une existence obscure dans la chasteté, l’obéissance, le travail et la prière, ça trempe le caractère et ça confère à celui qui s’y soumet librement, une aura et une force d’attraction vers soi insoupçonnée, qui ne sont d’ailleurs pas une exclusivité du christianisme. Cela s’observe partout où une société accède à un niveau supérieur de spiritualité. L’attraction que, depuis quelques décennies, (la période correspond à l’affadissement du christianisme en Occident) le bouddhisme asiatique par exemple exerce en Occident sur maints esprits assoiffés de hauteur spirituelle s’explique par la beauté de l’idéal du bouddhisme et la constance de l’effort de ses fidèles à couler cet idéal dans leurs vies. Loin de toute gesticulation rituelle inutile toujours suspecte d’afféterie.

On ne peut malheureusement pas en dire autant de l’Église africaine. Les statistiques nous montrent certes une Eglise en progression galopante. Mais à la vérité que se cache-t-il derrière la prise d’assaut des lieux de culte ? Une foi brulante ? Des convictions enracinées ? Non, la misère et une profonde détresse morale en quête de consolations faciles. L’examen du contenu de la foi de tels fidèles et de leurs pratiques rituelles révèle tout ce qu’il y a de peu chrétien. On se trouve aux limites des pratiques magiques parfaitement contraires à l’esprit de l’Evangile. Elles ne libèrent pas ; elles constituent au contraire des entraves qui creusent le lit du sous-développement. Elles se trouvent aux antipodes de l’esprit de l’Evangile qui libère et met sur la voie du développement lorsqu’il est bien compris.

Si l’Eglise africaine veut avoir, comme autrefois celle d’Occident, une voix qui compte et qui porte, pas besoin d’avoir un Pape noir à Rome, pur fétichisme. Qu’elle prenne le chemin suivi aux temps anciens par l’Eglise d’Occident. Quand le Pape et les évêques faisaient trembler les grands de ce monde, et étaient obéis au doigt et à l’œil par des foules immenses recueillies. Quel est donc ce chemin ? La discipline, le travail, l’étude, la prière. Les bénédictins, la famille de moines qui a tant fait pour bâtir la civilisation de l’Occident avait pour devise : « ora et labora », prie et travaille. Or l’Eglise africaine est pleine de ces jeunes gens qui entrent en religion non pas par vocation, mais pour se mettre à l’abri du besoin, dans une société économiquement déprimée et aux lendemains incertains. Trop de fainéants inutiles au sein de l’Eglise africaine en ont fait une Eglise de mendiants qui ne résiste pas aux cadeaux empoisonnés du pouvoir.

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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.