mercredi 2 décembre 2009

Quand la France débat de son identité

Ce débat, sorte d'extériorisation d'une étrange conception de l’identité (identité nationale) que la notion de liberté chère à la France récuse, est dangereux,il tend à définir ce qu'est être français. Qui le sait vraiment? Or définir, c'est limiter, c'est exclure, c'est circonscrire. Qui serait le bon français? Les commanditaires de ce débat, de celticité douteuse, eux je suppose, se sentent bien français quand bien même une partie de leurs origines sont ailleurs.

Etre français qu'est ce que cela signifie lorsque l'héritage chrétien malmené par la laïcité et le patrimoine gréco-romain revendiqués sont également partagés par des millions d'autres européens? La menace d’autres cultes sur la première fille de l’Eglise reconduirait-elle les français à la messe, qui depuis ne fait plus recette ? Dans la guerre contre les ennemis de l’identité nationale française, des valeurs ringardisées par la modernité, la société de consommation et ses avatars sont rappelées en renfort. La France serait-elle en train de se dilater à ce point ? Mais pourquoi être si conservateur, refuser d’avancer dans le sens de l’histoire et jouer ainsi les réactionnaires? pas beau ! diraient les enfants. Peut-être est-ce l'inclination au rejet de l'autre qui ferait le Français bon teint? A ce sujet l'histoire française dans le temps court nous donne pourtant des exemples à ne pas suivre. Un gouvernement récemment s'est fait champion de l'ouverture et de la diversité, qui subitement, quelle mouche l'a piqué, agite le chiffon rouge du danger du communautarisme, du danger de l'atteinte, si rien n'est fait, à l'intégrité française. C'est grossier pour l'administration d'un pays dont nombreux ont chanté la vocation à l'universel, à l'humanisme. Et bien ce n'est pas cela la Grande France, exportatrice de révolution et de passion ravageuses des injustices. L'esprit français, forgé par ses lettres et sa philosophie, a plus que tout autre la capacité de germer chez d'autres peuples, faisant de la culture française l’une des plus appréciées.

La France a vocation à l'ouverture et à l'accueil. Sa position géographique l'ayant faite ouverte à maints vents et courants l'y prépare; l'histoire de son peuplement montre qu'elle n'a jamais cessé d'agréger et de fondre dans un même creuset des gens venus de plusieurs ailleurs. Il faudrait croire que, l'identité nationale étant en danger, certaines personnes ou groupes de personnes ayant eux aussi vocation à être pleinement français sont des poisons pour la pureté de la race française. Il n'ya que les régimes totalitaires pour se permettre de telles manœuvres, définir une identité. Maintenant on va décider d'autorité légale ou administrative comment il faudrait être français. Quelle blague!

La loi pourtant définit clairement le Français, c’est la personne titulaire de la nationalité française. On est français par le sang, par la naissance, pour services rendus à la France, par l’intégration à la société française. Plus encore que tous ces critères, on est Français par amour pour la France, par une sorte d’affinité élective on s’est choisi, on s’est aimé. J’en connais de nationalités étrangères qui se sentent profondément Français ; quelque chose de tout ce que la France a à offrir les a tant touchés que pour rien au monde ils s’en sépareraient. Ainsi sont les francophiles du monde entier. Mais cette proximité avec la France dont ils se sont fait l’ami, personne n’aurait pu le leur dicter, il s’agit d’un rapport d’adhésion libre. La seule force en jeu ici est le pouvoir de séduction de la France. Or on ne séduit pas par la contrainte. Comme tout pays la France a ses défauts, ses parts d’ombre dont même les français les plus fiers ont honte ; ils n’en aiment pas moins la France pour autant. Il est vrai que depuis un moment la France a du mal à se faire aimer, et ceux qui contribuent à ce désamour, on les connait.

Et puis, pour ceux-là qui sont français, on pourrait suggérer aux défenseurs de l’identité nationale dont les éclaireurs, placés sur des miradors et des postes avancés, aperçoivent au loin un nuage de poussière soulevé par les sabots des montures portant des hordes barbares en marche vers la France dans le seul but d’écraser la francitude, de s’armer du casque et du bouclier que sont la culture. La culture est à mon sens, hormis ses idéaux, ce que la France a de plus grand et de plus beau. Montaigne, Ronsard, Rabelais, La Fontaine, Molière, Voltaire, Victor Hugo, Balzac, Zola, Baudelaire et tant d’autres parmi ceux qui depuis longtemps reposent en paix ; Sartre, Camus, Barthes, Saint-Exupéry, Péguy, Malraux, Simone de Beauvoir et tant d'autres encore plus près de nous, soufflent sur nous l’âme de la France qu’on veut avilir en la parant des guenilles de l’intolérance.
S’il est un môle indéfectible ou presque des peuples, c’est bien en la culture qu’il faut le trouver, la culture étant ce que les hommes d’un peuple destinent à leur survivre, une sorte de témoignage durable de ce qu’ils sont. Une culture séduisante et favorable à l’épanouissement de l’esprit humain ne saurait être anéantie par aucun envahisseur, la culture grecque nous le prouve, qui séduisit les Romains victorieux. Quel romain digne de ce nom, au IIe siècle avant JC, Caton mis à part, ne voulait-il apprendre les humanités grecques ? Caton lui-même, à son corps défendant finit par les apprendre.

Cunctator.

2 commentaires:

Obambé a dit…

Ce débat me fait sourire. J'ai appris que lors d'un débat à Verdun (ville chargée de symboles), un citoyen demandera au préfet: "Pourquoi les gens se garent sur les places handicapées?" Certains prédisaient bien que ce débat allait dériver. Le monstre va peut-être devenir incontrôlable. Le plus beau sourire qu'il m'ait été donné, c'est la couverture du magazine chérifien, Le courrier de l'Atlas, http://www.relay.com/Covers/Bigs/17476.jpg

@ suivre, Obambé

PNN a dit…

Hahahahaha, en effet il y a derapage.

A suivre, vieux.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.