dimanche 20 avril 2008

Césaire, Nègre et africain jusqu'au bout

On a dit qu'il avait refusé le Nobel et l'Académie Française. Ça lui ressemble! Un énorme orgueil de race. Il n'est pas sûr que si on lui avait proposé, suprême honneur, le Panthéon, dont presque à l'unanimité la France maintenant le juge digne, il eût refusé, fidèle jusqu'au bout aux engagements de la négritude: "Nègre je suis, Nègre je resterai", fier d'être nègre, "entièrement français sans doute, mais français entièrement à part" comme il se plaisait à le répéter. Pour lui, recevoir les honneurs du Nobel, de l'Académie Française et du Panthéon, c'eût été se renier comme Nègre; refuser de se reconnaître de sa race, la race maudite par l'occident bien pensant, et que justement, pour cette raison, au détour d'une "bienfaisante révolution intérieure", il "accepte sans réserve…entièrement sans réserve" (Cahier d'un retour au pays natal). Cette race toute recouverte de "laideurs repoussantes" (Ibid.), et qu'"aucune ablution d'hysope et de lys mêlés ne peut purifier" (ibid.), il l'accepte et en honore jusqu'à ses laideurs parce qu'il "est beau-et bon-et légitime d'être-nègre" (ibid.).

René à l'âme noire au terme d'une longue et profonde maturation "comme le philosophe platonicien meurt à son corps pour renaître à la vérité" (Senghor, Orphée Noir, Situations III), Aimé Césaire repousse d'instinct des propositions qui sonnent à ses oreilles, s'il les acceptait comme une trahison de ses options philosophiques centrales. Et s'il devait les accepter ce serait à une seule condition: que l'Occident reconnaisse à la race noire tout entière et lui restitue sa dignité dont des siècles d'abrutissement et de brutalité l'avaient déchue. Proposer le Nobel, l'Académie Française et le Panthéon à celui qu'un anathème injurieux avait de façon tacite frappé d'ostracisme, interdisant de le faire figurer dans les manuels de littérature française (Lagarde et Michard, Castex et Surer, par exemple) et d'être enseigné en Martinique même, chez lui, suprême hypocrisie d'une métropole qui a du mal à se déniaiser pour éduquer son regard et sa conscience et ainsi cesser de classer les Nègres dans la catégorie des races inférieures. Jules ferry avait confié la propagation de l'aberrante idéologie à des instituteurs zélés. La France et l'Occident ont retenu la leçon. Le zèle de Sarkozy et la frénésie d'Hortefeux à expulser les Nègres s'expliquent ainsi. Aimé Césaire ne pouvait l'oublier. Il a vécu tout cela dans sa chair et dans son âme. Aimé Césaire ne pouvait le pardonner. Aimé Césaire le martiniquais, qui toute sa vie aura rappelé aux siens tentés d'oublier leur sinistre trajectoire qu'ils étaient d'abord nègres et africains, et que par conséquent -ils ont tendance à l'oublier-, ils avaient cause liée avec les Nègres d'Afrique.

1 commentaire:

neilhector a dit…

Dites nous professeur se considerait t'il reellement africain? pour quoi n'est il guere revenu sur le continent? crainait til de l'insecurite financiere? Son combat semblait vraisemblablement emotif?

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.