mardi 15 mai 2007

Mahoung' ma Nsimba

La paix et le bonheur sur toi, grand Seigneur à qui Dieu me fait encore la grâce, ce jour de serrer la main! Que les temps sont changés. Devenus bien mesquins, et lançés à fond de train vers ce qu'ils appellent le bonheur, mais qui doit faire se retourner dans leurs tombes Aristote et saint Thomas-d'Aquin, les hommes d'aujourd'hui ressemblent de plus en plus à des fauves.

Insensiblement, il s'était tourné vers la croupe chauve d'un groupe de mamelons où, dans l'attitude du lutteur, se tordaient de vieux palmiers noueux. Une grande animation intérieure mit des éclairs dans ses yeux faibles. Dans leur gravité tourmentée, ces palmiers paraissaient les témoins farouches d'un événement mémorable par quoi s'était exprimée une grande époque de l'Histoire de son pays. C'est là, il s'en souvint, que pour avoir voulu rester des hommes, sont couchés quelques-uns des plus valeureux de nos pères. Mort violente dont la cruauté était cependant adoucie par celle de l'ennemi couché sur le même champ de bataile, et qui doit maintenant rendre compte devant la justice d'en haut, du déséquilibre de notre société. Si notre civilisation dissipée et les hommes émasculés qu'elle produit ont perdu le sens de le loi et des principes qui donnaient aux initiés la connaissance des phénomènes de la nature et le gouvernement du monde, c'est la faute de la civilisatioin occidentale qui travaille à tourner la nôtre en dérision. Mais c'est la grande faiblesse de cette civilisation d'occident de mépriser tout ce qu'elle ne peut ramenerà ses catégories de pensée, pour en proposer une définition de type mathématique. Comme si tout pouvait être enfermé dans ces simplifications, nécessaires sans doute, comme exigence de l'esprit humain, mais dangereuses dès qu'on oublie qu'elles ne représentent qu'un moment du déchiffrement de la nature. Cette civilisation d'occident a certainment tort d'ériger en preuve formelle de la fausseté des systèmes de connaissance différents du sien, son incapacié à y voir clair.
[...] Ancien séminariste tonsuré Mahoung' ma Nsimba était l'un des premiers lettrés de son pays. La vivacité de son intelligence avait séduit ses maîtres, et lui avait mérité d'aller en Europe pour parfaire sa formation. Mais le spectacle de l'exploitation sauvage de sa patrie et le tohu-bohu des guerres d'exterminaion allumées par les sages d'Europe qui s'ingéniaient pourtant à expliquer et à justifier tant de violences par des arguments de sophistes, révoltèrent l'hôte aimable et timide de la maison du père Libermann. Mahoung' ma Nsimba revint d'Europe l'esprit tout retourné, et ayant perdu la foi en cette civilisation prestigieuse d'occident que ses fils, jusque là, avaient présentée comme une haute pentecôte à laquelle tous les hommes de la terre étaient conviés. Maintenant retiré à M... son village natal, il employait les loisirs d'une retraite méritée à méditer sur la fragilité des oeuvreshumaines et le estin de l'Afrique condamnée, pour longtemps, il lui semblait, à faire les frais de la démesure et de l'intempérance des Blancs encouragés par la naïveté des Noirs compromis. Atroce est l'ordre de l'Histore, soupira-t-il. On ne s'y taille pas une place sans dure ascèse. sans purification intérieure, sans cesse reprise. Ecrasé par le foisonnement de sa trop riche nature et prise dans la guangue de ses mythes auxquels elle ajoute la sottise et la cupidité de bien de ses maîtres, l'afrique en oubliait la raideur de l'escalier de l'Histoire; plutôt, s'étant trouvée nez à nez avec l'Histoire, elle s'était découragée devant ses exigences et avait replongé bien vite dans le cadre intemporel des ses mythes douillets; tout en organisant un discours lyrique su l'ascension de l'Histoire! Seulement l'Afrique n'avait jamais cru en l'Hstoire qui peut servir tout juste à inspirer des contes et des légendes si chers aux civilisations émasculées ou pusillanimes!
extrait de "L'ombre de la nuit", Atimco, 1994

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Well written article.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.