lundi 25 juin 2007

Un peu de poésie

Au Christ orphelin


Comme approchaient le frisson de pâques
Et le bruissement des palmes des grands passages
J’ai voulu te sculpter dans du bois dur, Jésus,
Avec ta tête de douleur et ta tunique de haine
Te sculpter pour me remémorer et prendre
A pleines mains ta folie, moi le mauvais enfant
Pour revivre le mystère de ta venue au carnaval
De l’homme, le roi démissionnaire

Comme approchaient le frisson de Pâques
Et le bruissement des palmes des grands passages
J’ai voulu te sculpter dans du bois dur, Jésus
Ainsi toucher de mes pauvres mains indignes
Ta tête de douleur au jour du Golgotha
Ce jour couleur de rien où tu fus tellement seul
Sans ami, abondonné de ton père même.
Marie ta pauvre mère en sanglots en pleure
De douleur et de peine.
Et Jean, ton frangin n’y comprend rien.
En ce jour couleur de rien
Personne pour te dire le mot qui console.
O Christ, tu sais ma tristesse
Christ inconsolé ; Christ orphélin comme moi-même je le suis
Mais que peuvent sur ta tristesse infinie
Ces chansons d’un sou que j’ai composées
Pour les enfants des Kouryles qui ont faim
Et mes pauvres petits gars de Mandou-au-trois-portes ?
Dis, que peuvent mes pauvres chansons
Sur la plus grande douleur qui fut jamais ?





La fête des faux monnayeurs


On m’a dit : cœur inquiet et dépeuplé
Courage, voici que se lève l’aube
Voici le grand commencement du grand siècle
Pour les hommes Nègres qui jamais ne furent à la fête.
Avancez hommes sans existence qu’on vous couronne !
Demain vous prendrez part à la fête
Princes oubliés, réparation sera faite ;
Nous sommes au midi du jour et de l’âge
Avancez pour le grand partage ;
Ni Blancs ni Noirs, assez des couleurs et des distinctions
Hommes sommes nous, et frères.
Abolies aussi bien soient les factions
Avancez c’est la fête
Et excusez nous pour le retard.
Chut ! me dit un vieux Nègre hanté du vent
Surtout ; n’osez
C’est la fête des faux monnayeurs




Prière pour être enterré à Mandou


Lorsque la nuit sera descendue
Sur ma paupière close à jamais
Et que ma carcasse humiliée
Demandera à retourner à ses origines,
Permets ô Dieu
Que je prenne mon repos parmi les ruines
De Mandou déserté par ses fils oublieux.
L’ouragan des passions ou l’effroi de la mort
Les dispersa par toute la terre
Où le soir, lorsque le cœur s’alourdit,
Ils se souviennent en pleurant.

Là couché sous un humble tumulus,
Comme tant d’autres fauchés,
Jeunes et vieux avant la funeste diaspora
J’attendrai l’heure du jugement.
Sur ce tertre sans gloire il n’y aura rien
Que de pauvres fleurs des champs
Et l’humble croix latine.
Et le passant avisant ce modeste mausolée
Lira avec un pleur au coin de son œil rougi :
Ici repose Dominique NGOIE-NGALLA
Un rien mandouan qui ne fit rien pour sa patrie
Si ce n’est qu’il l’aima avec piété,
La paix sur lui et qu’il dorme tranquille.

mardi 12 juin 2007

prendre l'évangile au sérieux

Enseignant à l'Université d'Amiens, Dominique Ngoïe Ngalla reçoit la Voix Protestante. Propos recueillis par Eliane Humbert.

Comment voyez-vous le Congo ?Pourquoi les peuples d'Afrique se battent-ils sans arrêt, pourquoi tant de guerres et de désordres ?

Il semble que les Africains ne parviennent pas à construire quelque chose de viable. Je pense qu'ils sont encore sous le choc des siècles d'esclavage et de colonisation. Cela fait partie de leur inconscient collectif et ils en souffrent sans le savoir. L'argent ne peut pas suffire, le désordre est dans les têtes ! Ici, en France, en toutes circonstances - perte d'un être cher, accident, traumatisme quelconque - on fait appel à des psychologues. Pensez aux Africains, massacrés et broyés pendant 500 ans… Et il n'en resterait rien ?


Il y a aussi des rivalités entre ethnies ?

Le problème n'est pas là : nous n'avons pas su gérer la démocratie, et tout le monde est responsable, entre autres, les intellectuels qui ont fait de bonnes études en France. Longtemps les programmes d'enseignement congolais et français ont été exactement les mêmes. Nous sommes donc des noirs de culture française, si bien que quand nous nous sentons rejetés, la frustration est terrible. Posséder deux cultures est une chance énorme. Mais la culture africaine, très riche et remarquable et bien antérieure à la colonisation, est ignorée, niée. Les intellectuels africains ont tendance à l'oublier et à penser sur le mode occidental. Il y a comme un conflit intérieur entre ce qu'ils sont et ce qu'on leur a dit de devenir. C'est souvent la source d'une perturbation psychologique, qu'on veut ignorer.
La France peut-elle aider l'Afrique ?Sous la colonisation le niveau de l'enseignement était excellent, or il ne reste plus rien : à l'université de Brazzaville, 25 000 étudiants sont sans livres, la bibliothèque a brûlé pendant la guerre... Et ici je vois qu'à la fin de chaque année on jette des livres !La France a des opportunités extraordinaires : faire vivre les institutions, organiser des partenariats entre lycées, entre universités, faire de l'animation culturelle, ouvrir des centres culturels dans les quartiers et les bidonvilles - la lecture est une passion : des enfants lisent le soir sous les lampadaires publics parce qu'ils n'ont pas de lumière chez eux - faciliter la venue d'étudiants après le bac, car la France n'est pas à une contradiction près : souhaiter l'expansion de sa langue dans le monde et refuser qu'on entre chez elle !Des étudiants de toute l'Afrique sont nombreux et bienvenus aux Etats Unis et au Canada où des universités ont créé des chaires de culture et de langues africaines : le bambara, le ningala, le swahili... En Afrique, la génération qui vient parlera anglais. Pourtant la francophonie devrait permettre des initiatives mais rien ne se fait et les africains sont déçus.
L'Eglise a-t-elle un rôle à jouer dans la reconstitution du pays ?Oui, sans aucun doute, mais les prêtres font trop dans l'imitation du modèle français et ce n'est pas cela qui aidera l'Afrique. Il faudrait qu'ils se convertissent en anthropologues, sociologues, psychologues pour voir l'Afrique de l'intérieur. Ils restaurent la façade, mais les problèmes sont plus profonds et plus graves. La démarche protestante de collaboration avec des organismes sur place est bonne.Je voudrais que les chrétiens d'occident regardent les choses en face. Jusqu'à quand attendrons-nous pour prendre l'Evangile au sérieux ?

C'est à dire ?

Au 3e siècle, Tertullien assure les autorités que les chrétiens sont partout des exemples et qu'il n'y a pas meilleur soldat, meilleur fonctionnaire, meilleur enseignant... Parce qu'ils s'efforcent de prendre l'Evangile au sérieux.Et nous, qu'est-ce qui nous arrive ? Est-ce parce que la société de consommation nous a endormis que nous ne sommes plus éveillés aux problèmes du monde ? Tant de gens sont descendus dans la rue contre la guerre en Irak : que ne le fait-on plus souvent et pour d'autres causes ! Quand Jésus dit à Pierre : " va au large " il ne parle pas seulement de la petite mer de Tibériade, mais du monde. Aussi longtemps que j'aurai un grain de foi, c'est ce que je penserai.


Que souhaitez-vous pour votre pays ?

La violence qui s'est exprimée au Congo résulte d'une accumulation d'injustices mal réparées. Malheureusement, aucune ethnie n'a le privilège de la violence et de la cruauté et ceux qui ont eu recours à ce mode d'expression sont à plaindre. Peut-être faut-il les aider à comprendre qu'on peut faire autrement. On ne peut pas leur en vouloir, je n'ai aucune haine, je suis malheureux pour eux.Je souhaite que personne ne condamne l'Afrique. L'histoire n'est pas close. Le Saint Esprit n'est pas mort. Il nous reste à coopérer avec lui.
ExerguePosséder deux cultures est une chance énorme.


Dominique Ngoie Ngalla est aujourd'hui rentré au Congo mais il réside en France

dimanche 10 juin 2007

Odirint dum metuant. Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent.

Les Noirs devraient faire du propos du dictateur romain leur devise. A méditer tous les jours. l'histoire des vivants, quelle qu'en soit l'espèce ,est, Darwin avait fait là une belle découverte, une lutte permanente, où les faibles sont éliminés. L'harmonie sociale résulte toujours d'un équilibre de forces antagonistes. Une union tensionnelle des forces qui grandissent et s'affermissent en s'opposant. On trouvera difficilement dans le monde un groupe humain où, sans réticences instinctives de départ le Noir est accepté comme il est. Sa couleur de peau de si sinistre symbolique dans tous les autres groupes humains, ajoutée à d'autres différences physiques, le désigne illico à la mise à l'écart et à la margnalisation. De la couleur de sa peau et du profil de son visage, découlent, d'après les penseurs occidentaux, de terribles faiblesses intellectuelles et morales. Il apparait dans l'imaginaire de ceux-ci comme un raté de la création. Naître Noir devient alors, comme le dit cet humoriste, un handicape . Mais à la différence des autres handicapes celui du Noir n'inspire ni pitié ni compassion, il suscite bien au contraire un inexplicable sentiment d'agression. Hegel qui pourrait bien résumer le génie intellectuel de l'occident pensant trouve le Noir inapte à devenir un sujet de l'Histoire et le condame à végéter dans l'infra-humanité, recouvert de nuit noire. L'avis du philosophe de la phénoménologie de l'esprit a suscité et alimenté un mouvement de pensée dont les conclusions sont connues: avec le Jaune, mais à une échelle plus bas que le Jaune, le Noir est un être inférieur. De son infériorité ontologique découle son infériorité sociale. La République de Jules-Ferry ,on s'en souvient, fit de cette aberrante affirmation son crédo. Le colonialisme y trouva la justification de ses procédés barbares. La même science occidentale qui avait fabriqué au Noir ce statut l'a depuis réhabilité. Mais, le discours est une chose fût-il scientifique, sa pratique sociale en est une autre. L'erreur ou le mensonge scientifiques avaient eu le temp de structurer une mentalité. De sorte que, malgré que tous les jours en grand nombre les Noirs admnistrent par leur réussite la preuve de l'erreur d'un tel jugement (pas seulement dans le sport, mais dans tous les domaines d'activité), le Noir reste peu crédible auprès des descendants de Darwin e du comte de Gobineau, l'auteur de l'Essai sur l'égalité des races. Mentez mentez ,disait Voltaire, il en restera toujours quelque chose.

Le grand malheur est que la victime a intériosé l'image peu flatteuse que le Blanc lui avait fabriquée et inculquée. Noir signifie inaptitude aux choses de l'esprit, et vices moraux graves:luxure, vanité, mensonge, paresse Aussi simple. expéditif! Ceux qui énoncent de si terribles contre-vérités sont-ils raisonnables? Et en ce qui concerne le vice, oublie-t'on que c'est la chose la mieux partagée du monde? La bassesse, la mesquinerie ne sont pas des attributs du seul nègre. Pour le Noir, la solution à sa discrimination en occident et dans le reste du monde, il la trouvera dans sa tête et dans ses mains. D'abord se convaincre, à partir de l'expérience ( il y'a deux ans, agé seulement de 14 ans, à l'age où la moyenne des français entrent en troisième, un petit Noir originaire de Côte-d'ivoire n'obtint-il pas le bac ici même en France; en tout cas les exemples sont nombreux) que pour être porteur d'une couleur décidée de malheur par les occidentaux, il est pleinement homme; qu'il n'existe pas de demi-homme comme il existe des demi-dieux das la mythologie grecque; que chaque homme, rappelons Montaigne, " porte en lui la part entière de l'humaine condition"; que l'éclosion de celle-ci est seulement un problème de milieu, et que placé dans les mêmes conditions de naissance et d'existence que le Blanc, le Noir peut tout ce que le Blanc peut ( Cheick Modibo Diarra de la Nasa, créateur d'un engin envoyé sur Mars, l'a prouvé). Ces Noirs brillants qu'on rencontre ici et là en occident ne doivent pas apparaître comme des exceptions. Rencontrant quelque Noir intellectuellement doué, beau ou ayant de l'éducation, certains occidentaux disent, surpris:"tu n'es pas comme les autres!". Loin d'être un compliment à son destinataire, celui-ci doit l'entendre comme une injure à la race. Le Noir doit le savoir. le tout est une question de milieu et d'audace. Oser se servir de son intelligence, et d'abord se persuader que les Blancs ne sont pas des dieux, qui feraient des choses dont les Noirs seraient incapables. Une elle prise de conscience mettrait fin à bien des complexes paralysants. Inverseraient, ou du moins équilibreraient les rapports du Noir et du Blanc. Une chose: si le Noir veut que le Blanc le respecte et le prenne au sérieux, qu'il s'affirme. Ce sera le commencement de la fin de la discrimination qui ne repose pas tant sur la couleur de la peau avec tout ce qu'elle suppose de négatif, et d'autres différences physiques, que sur le doute que tel qu'il apparait marqué du sceau négatif du destin, le Noir soit capable de quoi que soit qui vaille. C'est, chez bien des occidentaux une croyance forte bien enracinée. LeBlanc oublie la laideur supposée chez un Noir qui réussit. Le Blanc, l'homme tout court, ne respecte que celui qui le défie et ruine ses certitudes. Les chinois et les indiens, il n'y'a pas si longtemps encore traités à peine avec moins de mépris que les nègres, grâce à leur grande capacité à entrer en modernité, sont devenus pour les occidentaux des partenaires redoutables. Pour les Noirs la reconnaissance sociale est ussi à ce prix. A contrepente faire à leur tour le chemin emprunté par les asiatiques. Le look black: les tignasses tressées des hommes portant anneaux aux oreilles comme des pirates et tous ces comportements de dérision n'imposeront pas l'Afrique à l'attention d'un monde en concurrence où il n'y'a pas de place pour les plaisantains. Pour s'imposer dans le monde et se faire respecter, les juifs qui sont au moins aussi mal-aimés que les Noirs, ont dû se résoudre à travailler de façon à toujours se placer parmi les meilleurs. Et non pas par la dérision mais par la science et les oeuvres de l'esprit.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.