dimanche 6 mai 2007

Le lourd héritage de la traite des Nègres

Lorsque, au 19è siècle, à des dates différentes, les pays d’occident qui avaient pris une part active à la traite des Noirs la condamnent et prennent des lois qui l’abrogent, la pratique inhumaine et barbare avait derrière elle 400 ans de ravages de l’Afrique. Elle en aura pour longtemps scellé le sort. Pour longtemps, la traite laissa avili ce continent ; avilissant du coup le bourreau. On ne prend pas, sur une durée aussi longue, tant de plaisir sadique malsain à broyer autrui, sans y perdre un peu de son âme, sans conséquences psychologiques fâcheuses inscrites dans le temps long, pour la victime et le bourreau Les pratiques qui accompagnèrent la traite des Noirs et sa justification métaphysique devaient marquer en profondeur la culture occidentale et fournir aux scientifiques des éléments de la théorie racialiste fameuse de la hiérarchie des groupes humains. Déduite de l’observation des niveaux technologiques atteints par chacun d’eux, et des différences biologiques qui expliquent, d’après ces scientifiques, ces différences de niveaux. Des groupes humains qui présentent par rapport aux européens les différences biologiques les plus marquées, les Noirs en l’occurrence, occupant le bas de l’échelle où ils apparaissent comme un raté de la création.

En France, prenant au sérieux ces aberrations du comte de Gobineau, sur des générations, l’Ecole de Jules Ferry les inculqua à des millions d’écoliers. Elles allaient avoir de funestes conséquences sur la colonisation qui fut, comme chacun sait, brutale et barbare. Elles furent au principe de ces expositions où, avec d’autres « curiosités exotiques », des indigènes Noirs des colonies françaises d’Afrique et du Pacifique fournirent la matière, en 1930 et 1932, des expositions coloniales de Paris. Pour que, il n’y’a pas si longtemps de nous, des peuples civilisés aient pris plaisir à traiter de cette façon des êtres humains, il faut croire qu’ils ne les plaçaient pas bien haut sur l’échelle humaine ; à supposer qu’ils les classaient parmi les humains. En tout cas, dans les colonies où existaient des lieux interdits aux Nègres et aux chiens, sale macaque était l’injure que les blancs, à plaisir, chaque jour, jetaient à la figure des colonisés. Les plus innocents de ces indigènes qu’on traitait ainsi en sous-humains et qui ne le jugeaient pas sur ce comportement venu d’une mauvaise éducation, finirent par croire à la supériorité raciale déclarée du Blanc. Commence alors pour eux (la majorité, malheureusement) cette terrible torture morale qui chez certains donneront ces névroses d’angoisse décrites par Frantz Fanon dans Peau noire masques Blancs.

L’abolition de la traite des Noirs et la fin de la colonisation, son prolongement, n’ont pas changé la perception et l’image sinistre que les occidentaux s’étaient faites du Noir. Celles-ci étaient devenues des faits de culture qui commandent des attitudes, ordonnent et orientent des actions. Or, sans être une hypostase, la propriété de la culture est la résistance au changement. Certes, elle change, mais combien lentement ! Quoi d’étonnant alors si, même chez les meilleurs, les occidentaux qui ne connaissent des cultures africaines que ce qu’en a dit la littérature coloniale émaillée de fantaisies exotiques, ne vont pas sans une certaine réticence de réflexe en quelques sortes, au devant des Noirs ? Naturellement ceux d’entre eux qui sont allés en Afrique, et qui se sont efforcés de comprendre l’âme noire, en reviennent souvent frappés par la grande capacité d’amitié du Noir.

Pour faire reculer la xénophobie et la discrimination raciale qui frappent les Noirs en occident, la loi ne suffit probablement pas. C’est le regard de l’occidental tout entier qu’il faut façonner, éduquer. C’est donc à la culture de ce pays qu’il convient d’abord de s’attaquer. Parce que c’est elle qui dicte ces comportements que, dans leur grande majorité, les occidentaux adoptent vis-à-vis des Noirs. Enseigner à l’école, dès le plus bas niveau, que la différence est bonne et fécondante. Que, en dehors des valeurs universelles présentes dans tous les groupes humains : la justice, l’amitié, le respect d’autrui et de son bien, la vérité, etc, toutes celles dont une civilisation peut s’enorgueillir sont relatives. Que, mis à part un petit nombre d’aberrations, tout à fait contingentes, d’ailleurs, toutes les cultures sont d’égale dignité, et que par conséquent, des humains relevant de groupes et de cultures différents peuvent parfaitement cohabiter pacifiquement ; pour peu qu’ils soient à l’écoute de la raison, qui conduit à relativiser les différences et à réduire les distances, pourvu qu’elle ne soit pas viciée.

Qu’on observe, en France par exemple, la vie des crèches et des jardins d’enfants où la République, au nom de la fraternité humaine, ferme les yeux sur les origines sociales, religieuses et ethniques des enfants. Ici, entre ceux-ci, spontanément des liens se tissent ; n’écoutant que leur instinct, têtes blondes et têtes crépues s’assemblent et fusionnent pour célébrer la vie. L’attrait dilectif est déterminé d’abord par le fait qu’on a le même âge, qu’on est tous des poètes venus d’un fabuleux royaume nommé enfance. Qu’on est tous des poètes nés pour célébrer le monde ensemble. Voilà la seule chose qui importe pour les enfants, loin du monde des adultes pleins de calculs incompréhensibles pour eux. Les enfants nous donnent là une leçon d’ouverture et d’accueil de la différence. Pour moi, ils sont tous le « Petit prince de Saint-Exupéry : « si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente » (Saint-Exupéry, Lettre à un otage).
Encore sans malice, les petits d’homme, que plus tard abrutissent le discours et le comportement des parents, se moquent des barrières sociales et ethniques. Voilà pourquoi les peuples dits sauvages mais qui ont encore le charme sans malice de l’enfant sont si accueillants pour l’étranger ; curieux et sans doute désireux de savoir, ils adoptent vite. Face à la différence, surtout quand elle est biologique, la xénophobie est une caractéristique des sociétés industrielles civilisées, occidentales et asiatiques, furieusement protectrices de ce qu’elles appellent leurs biens. Roulée dans l’imaginaire collectif, qui n’épargne ni les savants, ni le petit peuple, la vigueur du contraste des pigmentations qui justifia et légitima la traite des Noirs l’entretient. L’ombre de la traite des Noirs sans cesse accompagne l’occident, rendant toujours problématique entre l’Afrique et l’occident le rapport de confiance souhaité.


Dominique Ngoie-Ngalla

5 commentaires:

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Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.