Opera illorum secuntur
illos, leurs œuvres les suivent. L’affirmation est de Jean, l’évangéliste. Phénomène
apparu dans l’histoire de l’univers, les hommes sont dans les modes d’existence
les plus divers, ce que leur passé a fait d’eux. Selon le niveau et la qualité
de leur participation de leur accouchement par l’histoire, les hommes jouent
les premiers ou les seconds rôles dans le devenir historique des sociétés qu’ils
forment. Un concours de circonstances défavorables né principalement du milieu
écologique fabriqua à l’Afrique noire une histoire plus que celle d’aucun autre
groupe humain, propice à la formation de sociétés et de civilisations où la
puissance de l’esprit a peu de chances de se déployer. Avant même la tragédie
de la traite des noirs qui bouleverse ses sociétés, où nombre de valeurs sont
retournées en leur contraire, ou jetées dans une confusion qui ne permet plus d’en
vivre vraiment, l’Afrique noire allait devenir un continent sans grande
ambition. Les hommes qu’elle produit, consciences étriquées ayant une vision
courte. Ils ne se préoccupent de l’immédiat, incapable de projection. Le bas
niveau de l’organisation politique dont l’élévation est impossible sans cet
instrument du progrès qu’est l’écriture
alphabétique et consonantique qui, en fixant la parole, fugace, par essence, et
la pensée, donne la possibilité d’y revenir à loisir pour ajouter, retrancher,
améliorer. Le progrès de l’esprit humain est impossible sans l’écriture.
L’existence en Afrique de
sociétés fortement organisées grâce à l’écriture, eut probablement rendu
impossible la traite des noirs. Cette véritable boite de Pandore d’où allaient
sortir tous les maux dont ce continent souffre aujourd’hui, le premier étant le
défaut de volonté de conscience qui engendre le défaut de décourage pour
affronter le réel. Quatre cent ans de violences continuées, il n’en fallait pas
plus pour briser les ressorts psychologiques du génie des peuples qui avaient
bu au torrent de l’horreur. A la lâcheté, à la fourberie des dirigeants
politiques, la colonisation vint ajouter la chosification de l’homme noir. A
grands renforts idéologiques, l’homme blanc lui inculqua le mépris de sa propre
personne, sur tous les plans, inférieur au blanc : du corps physique aux
dispositions intellectuelles et morales le Blanc est supérieur au Noir .
Cinq
cent ans de brigandage avaient suffi à l’Occident pour faire du Noir un être de
dérision, le bouffon et le portefaix de l’histoire, qui n’existe désormais que
par la volonté de l’homme Blanc. Et puisqu’il n’a pas d’âme ni de conscience,
il ne peut vivre qu’en empruntant au Blanc. Voila comment depuis, la société et
la civilisation du continent noir, sont devenus des sociétés et des
civilisations de singes. L’Afrique singe l’Occident, son maitre qui l’a dressé
à le singer. Et c’est là le drame de l’Afrique, n’être plus capable que d’imitation.
Or, celui qui imite, plus exactement celui qui singe au lieu de simplement s’inspirer
du modèle, apporte la preuve de la pauvreté de sa personnalité. La preuve de l’existence
en lui d’un génie personnel, d’une réelle capacité créatrice. L’imitation
assume une fonction pédagogique si elle se donne pour fin d’amener l’élève à
prendre conscience de son talent personnel. A se réveiller à ses valeurs
dormantes, à se détacher, pour finir, du modèle. Pour comble de malheur, l’Afrique
n’a imité de son maitre que sa brutalité et sa violence, laissant de son côté
le versant positif et humain de son génie, qui est loin d’âtre de bout en bout
barbare. Mais il est vrai que le mal est plus facile à imiter que le bien et la
vertu.
La colonisation qui fut le prolongement des horreurs et des brutalités
de la traite des noirs abolie ne vint pas civiliser l’Afrique selon ses promesses.
Elle décupla le coefficient de violence de l’Ame nègre déjà exacerbé par la
violence et la brutalité des esclavagistes. De sorte que, de l’héritage et du
patrimoine historique et spirituel de l’Afrique, la violence apparait un des
traits les plus marquants. Une certaine violence étant certes nécessaire dans l’exercice
et la gestion du pouvoir (le monopole de violence légitime), les politiques aux
manettes de l’administration de l’Etat en usent plus que de raison.
Et puisque l’usage imbécile
de la violence abrutit, il n’est pas étonnant que ces hommes-là soient des
esprits étriqués et violents, peu accessibles à la compassion qui devrait
pourtant justifier toute vocation politique. L’échec des démocraties africaines
trouve son explication dans l’esprit fruste et peu généreux des dirigeants
politiques. Ceux-ci sont le résultat logique d’une histoire sans rupture,
violente de bout en bout de la traite des nègres à la colonisation.
Dominique Ngoïe-Ngalla.