Nombre de croyances de l’Afrique noire ne se rendent à la rationalité de la modernité, et ne meurent (et encore jamais totalement et d’un bloc) que si des croyances venues d’autres cultures, comme le christianisme, ou l’islam, avec l’intention de se substituer à elles apportent des solutions aux problèmes qu’elles n’avaient pas elles-mêmes résolus.
Avant d’être une sinistre pratique au service des méchants, la sorcellerie est, à l’origine, instrument et mécanisme de régulation et de pacification de rapports sociaux empoisonnés par la haine et le soupçon. Les membres d’un même groupe de parentèle, invariablement, se jetant mutuellement le soupçon d’en être la cause, lorsque la maladie ou la malchance frappe l’un d’eux.
Le christianisme qui combat la sorcellerie promet à ceux qui adhèrent à lui d’un cœur sincère, la victoire sur la sorcellerie. On y adhère donc. Mais de nombreux faits vécus, en fait leur interprétation, ont fourni à la conscience collective la preuve que la sorcellerie fonctionne et est efficace. Il n’est pas sage d’y renoncer totalement. Par prudence, on gardera donc les deux croyances : quelque chose des deux. D’autant plus que, malgré l’avènement du christianisme, l’angoisse qui crée le climat favorable à la production des faits de sorcellerie ne disparait pas. L’ignorance, des difficultés économiques particulièrement graves, jointes à une gestion du pouvoir politique malsaine, sont génératrices d’un climat social de peurs et d’angoisses qui pousse la société à en chercher les causes et les solutions dans les forces de l’au-delà du monde visible que le christianisme qui en récuse l’existence, ou en minimise l’importance, n’arrête pas. L’échec du christianisme à transformer le regard et la sensibilité d’un grand nombre de ses adeptes, (le plus grand nombre, sans doute) se traduit par la naissance, à la périphérie de l’Eglise officielle, de courants religieux syncrétiques. En politique, le grand écart entre la vision du monde et l’idéologie sociale des Hellènes (qui, au Vè siècle avant notre ère, créèrent de la démocratie) et la vision du monde du monde et l’idéologie nègre du social rend compréhensible la difficulté de la démocratie à s’imposer dans les sociétés africaines. Celles-ci ramenèrent invariablement la complexité du fonctionnement des rouages du pouvoir démocratique aux principes simples et élémentaires du contrôle du lignage et de sa terre par un chef de groupe tout puissant.
L’Ancien ne cède au Nouveau (et jamais à la fois et d’un bloc sur tous les registres du Nouveau) que si la société qu’elle porte se reconnaît totalement dans les valeurs que lui propose le Nouveau. Il faut, pour que la mutation se fasse, l’apparition d’un milieu socioculturel, socio-économique et sociopolitique nouveau où l’épanouissement intellectuel et spirituel de ses ressortissants amène progressivement ceux-ci à abandonner les valeurs dont ils ont jusqu’alors vécu. Le rôle de l’éducation apparaît ici décisif. L’éducation, synonyme de décloisonnement culturel, idéologique et psycho-affectif. C’est alors que, libre par rapport à son passé et à sa tradition par la conscience qui les domine et les juge, l’Afrique enfin disponible pour la modernité pourra vraiment vivre celle-ci. Mais quand ? Pour l’heure, il faut en convenir, l’esprit étriqué et obtus des politiciens africains constitue une entrave redoutable à l’essor de l’Afrique noire.
Dominique Ngoïe-Ngalla.
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