dimanche 5 août 2007

L'ethnie cancer des Etats africains

Espace restreint des solidarités primaires et de fusion presque communielle de ses membres, l'ethnie qui se définit par l'existence d'un territoire, d'une langue et d'un patrimoine spirituel sacralisé par l'âge a, pour ses ressortissants, la douceur du nid maternel. Et cela explique le narcissisme dévotieux de ceux-ci, vis-à-vis d'eux même, vis-à-vis de tout ce qui appartient au groupe. Et cela justifie que l'ethnie se cadenasse, hostile à tout apport étranger, personne ou objet, qui, toujours, représente une menace dirigée contre l'intégrité du groupe. Fonctionnant sur la base d'affects, l'ethnie est par nature foncièrement xénophobe. L'étranger n'y est admis, intégré qu'à la condition de renoncer à son identité.La France elle même rejoint la position de l'ethnie qui exige des immigrés installés sur son sol de renoncer à leurs particularismes. L'ethnie a horreur de la différence. Or, suite dramatique de la colonisation, aucun Etat africain qui ne soit le regroupement forcé et arbitraire d'une multitude d'ethnies opposées, pour beaucoup d'entre elles, par des différences et des particularismes parfois fortement soulignés. Source de tensions permanentes que, probablement, une révision courageuse et intelligente des frontières léguées par la colonisation aurait pu dissiper. L'entêtement paresseux des politiques et leur manque d'imagination ont fini par sécréter une espèce de destin qui s'est refermé sur ces Etats mal pensés, et à cause de cela condamnés pour longtemps à végéter; jusqu'à ce que soit trouvée une solution de bon sens pour juguler la misère et la violence identitaire, caractéristiques des Etats africains. La solution de bon sens et de courage par où sont passés tous ces pays d'occident qui nous fascinent (même si on ne veut pas l'avouer) consiste, au prix de cruels renoncements à soi, en l'obeïssance par tous aux principes d'organisation d'un Etat moderne, qui cesse par cela même d'être la propriété d'une ethnie. Parce que l'Etat est un autre espace où les liens de solidarité primaires de l'ethnie se sont élargis pour devenir des liens de solidarité primordiale. Ceux qui rattachent entre eux les citoyens, et souhaités aussi forts que les liens de solidarité primaires qui lient entre eux les membres d'une même ethnie. Une double allégeance donc, complémentaire plutôt qu'antagoniste.
Une telle conversion de l'ethnie au décloisonnement et à sa redéfinition, n'est possible que par le recul, forcément progressif, de la mentalité ethniciste au sein de l'Etat, par un effort constant des hommes de pouvoir pour se civiliser et devenir des citoyens qui incarnent des valeurs républicaines. Il est probable que le petit peuple suivrait un effort qui viendrait d'en haut. Mais cela passe passe l'éducation. L'intériorisation des valeurs républicaines n'est pas possible en dehors des institutions d'éducation. Les Etats africains ne peuvent, sous peine de mort, faire l'économie de l'éducation à la cité. Chacun, à commencer par les hautes sphères de l'Etat, qui sont le lieu du double discours, où s'entretient la mentalité ethniciste, chacun doit faire l'effort de se renoncer, d'avancer vers l'autre différent qui doit cesser d'être pour lui une menace, et ensemble avec lui, se lancer dans l'aventure de la construction de cette plus grande ethnie qu'on appelle la nation aux liens entre ses membres plus lisibles et chargés de plus hautes promesses. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ça sera dur et difficile, étant donné l'idéologie xénophobe de l'ethnie, étant donné la médiocrité des hommes de pouvoir africains qui vivent en total décalage avec leur temps.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ce message qui fait suite à votre réflexion sur la violence identitaire est de la plus grande actualité étant donné ce qui se passe au kenya. des élections aux résultats contestés ont provoqué un déferlement de violence inter-ethnique dans ce pays réputé calme. Nos conglomérats d'ethnies ne se comportent finalement pas en nations. les exemples du Congo Brazzaville en 1993 et du Rwanda en 1994, appuyés par les violences kenyannes doivent nous faire prendre conscience du nécessaire devoir de prendre en compte le phénomène ethnique dans la construction de nos ensembles politiques.Pas de paix véritable sans une réelle concorde des différentes composantes ethniques de nos états.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.