mercredi 21 avril 2010

de la bigarrure et de l'inconstance chez les hommes politiques congolais

L’histoire politique du Congo-Brazzaville pour ne prendre que les quarante dernières années montre des périodes de coupure qu’il est aisé de segmenter en en périodes : mise en place d’un régime marxiste avec le mouvement du 31 juillet 1968, assassinat du Président Marien Ngouabi, premier règne de M. Sassou Nguesso, Conférence Nationale Souveraine, mandat du Président Pascal Lissouba, guerre dite du 5 juin, deuxième règne de M. Sassou Nguesso. Quarante c’est relativement court pour le temps historique, mais c’est long pour notre bien courte histoire politique en tant que nation indépendante, c’est plus des trois tiers de cette histoire. Une chose interpelle lorsqu’on observe cette période : le faible taux de renouvellement de la classe politique congolaise. Rien d’étonnant pourtant ! La plupart de ces hommes firent très tôt leurs premières armes en politique, bien avant la trentaine pour certains d’entre eux. Il est donc naturel qu’à 70 ans pour certains et un peu moins pour d’autres on soit encore de la partie à imaginer les intrigues et les coups fumeux dont est faite la politique peu noble de ce pays. Si les différentes périodes citées plus haut, marquent des moments de changement, des moments de rupture, peu de nos hommes politiques, au bout du compte se sont montrés de véritables hommes de rupture. Ils vont d’une côte à l’autre au gré de leurs intérêts au service desquels sont dédiées leurs carrières politiques.

Des périodes de cette histoire, notamment celles précédant la Conférence Nationale Souveraine, laissent voire des prises de distance, des ruptures d’avec la ligne du parti sous les régimes monopartistes, des ruptures idéologiques. Ainsi de nombreux membres du parti unique, membres de factions éloignées de la logique du centre, œuvrèrent à l’instauration du multipartisme. Les choses se gatent dans le temps post-Conférence Nationale. L’analyse de ces périodes, ou plutôt de cette période fait dire que les hommes politiques congolais sont plus des opportunistes que des défenseurs d’idéaux quelconques. Ils font penser à « L’opportuniste » de Jacques Dutronc dont les paroles disent ceci :

« Je suis pour le communisme
Je suis pour le socialisme
Et pour le capitalisme
Parce que je suis opportuniste

Il y en a qui conteste
Qui revendique et qui proteste
Moi je ne fais qu'un seul geste
Je retourne ma veste, je retourne ma veste
Toujours du bon côté

[…]

Je suis de tous les partis
Je suis de toutes les patries
Je suis de toutes les coteries
Je suis le roi des convertis

[…]

Je l'ai tellement retournée
Qu'elle craque de tous côtés
A la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon »

Pendant trente ans, par exemple, on défend un idéal, et subitement, par calcul financier ou stratégique, on change de couleur pour s’allier au protagoniste d’hier, et dont la politique actuelle piétine et bafoue le serment politique qu’on s’est fait, ou les valeurs pour la défense desquelles on s’était engagé. C’est ainsi qu’aujourd’hui des gens qui se sont fait une guerre féroce, les uns combattant pour la défense des acquis de la Conférence Nationale Souveraine (pluralisme, institutions démocratiques, acquisition à la magistrature suprême par des élections libres et transparentes), d’autres pour installer un pouvoir autoritaire et népotique avec pour but principal de précipiter le Congo au fond du gouffre, se retrouvent au sein d'une entente cordiale étrange. Peu de choses expliquent de telles ententes, je cherche mais les réponses peinent à surgir. Des connivences honteuses ont eu lieu, point besoin d’illustrer les différents cas, ils sont connus de tous. De tous ces rapprochements, un seul est plus que surprenant, inouï! Peut-être s’agit-il de tendances que l’intéressé dissimulait ou surmontait à force d’efforts considérables, devenus insoutenables vue la longueur du temps passé à se travestir. Ce qui est surprenant dans le cas de ce politique c’est sa qualité de scientifique et d’intellectuel à la réputation mondiale. Bigarré comme les autres, il a été membre de différents gouvernements congolais sur une période s’étendant sur une vingtaine d’années environ avec des intervalles irréguliers de non participation. Peu de gens s’attendaient le voir lui aussi aller manger dans la main du prince, tant ses positions affichées dans ses livres et conférences semblaient peu conciliables avec les façons de notre prince et de sa cour. Son allégeance, sans doute contenue dans un premier temps par les exigences du secret et de la discrétion, éclata au grand jour lorsque participant à un meeting de campagne en vue de la réélection déjà acquise du prince, il fit le panégyrique de son nouveau patron. Jamais on ne vit discours aussi parsemé d’adjectifs élogieux.

Après la Conférence nationale, il s’est vu des alliances que le chiromancien le plus avisé n’eut pu prédire, tellement elles concernent des hommes et des partis politiques que tout opposait très peu de temps avec leur union au sein d’improbables coalitions dont l'établissement n'a pour ambition que de servir leur égoïsme et leurs courtes vues. Des alliances sont certes nécessaires pour accéder au pouvoir dans un contexte de pluralité de forces politiques, mais l’affaire est tellement importante pour que bases idéologiques et les programmes de gouvernement de chaque partie ne soient pas examinés afin de voir jusqu’à quel point l’union demeure possible. C’est trop demander, on se contente d’alliances de circonstances, quand bien même elles pourraient de s’avérer nocives pour le jugement déja faussé des congolais, qui envisagent l’échiquier politiques sur des bases ethniques et régionales. En effet les alliances contre-nature, surtout celles liant des partis aux vues tout à fait opposées, brouillent les grilles de lecture de nos concitoyens, dont une rare minorité seulement procède à une analyse fondée sur des bases politiques saines, c'est-à-dire sur des principes républicaines et citoyens. Une analyse menée en fonction de la lecture que l’on fait de la société selon que l’on est libéral, socialiste, progressiste ou conservateur.

Cunctator.

2 commentaires:

Obambé a dit…

Bonjour Cunctator,



Intéressant, ton propos.

Tchicaya, lorsqu’il est élu député pour le Moyen-Congo et le Gabon en 1945 a 42 ans et en 1956 quand Opangault perd les élections face à Youlou, il avait 49 ans et son tombeur lui-même 39 ans. Quant à Massamba Débat, il avait 42 en accédant à la magistrature suprême en 1963. Mis à part ces trois dinosaures de notre vie politique d’antan, ce sont des enfants de 30 ans à peine (voire un peu plus) qui ont dirigé ce pays, surtout dans la période 1963-1980.

La santé aidant, de très bonnes conditions de vie s’y ajoutant, la possibilité de se faire soigner dans les meilleurs hôpitaux de Paris dès le moindre rhume annoncé, pas étonnant que cette caste nous dirige encore à ce jour. Et, il faut bien dire qu’entre 65 et 72 ans, si Dame Nature leur prête vie, on va encore en souper avec les mêmes têtes, les mêmes idées et de facto, pas de renouvellement de cette classe.

Pour se montrer un homme de rupture, il faudrait d’abord dire avec quoi on voudrait rompre, ensuite dire pourquoi on voudrait rompre et peut-être terminer en disant au peuple quels leviers utiliser pour faire cette rupture.
O.G.

PNN a dit…

Rien à ajouter à ton propos, sinon que je retiens ceci "Pour se montrer un homme de rupture, il faudrait d’abord dire avec quoi on voudrait rompre, ensuite dire pourquoi on voudrait rompre et peut-être terminer en disant au peuple quels leviers utiliser pour faire cette rupture." On pourrait commencer par la façon d'arriver au pouvoir, ensuite la très déséquilibrée redistribution des ressources publiques, elles sont plus utiles en projets d'infrstructures et projets sociaux. On pourrait inculquer aux congolais, non pas la haine ethnique, mais l'engagement citoyen. On pourrait proposer un meilleur élan culturel, mais à rebours, permettant de valoriser notre patrimoine culturel. Moi j'aime la musique Kouyou, elle correpond à mon esprit martial...

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.