dimanche 1 juillet 2007

Le sens et la signification du concept de renaissance pour un négro-africain

Renaissance doit s’entendre comme plongée dans le passé retrouvé pour nous sauver des périls du présent et pour nous mettre à l’abri de la menace du futur. Et on sait dans quel bien terrible bourbier se trouve l’Afrique contemporaine, et quelle menace de destruction plane sur elle. Ce ne sont donc ni les analyses, ni les projections des économistes qui la sauveront dans l’immédiat, si un retour lucide à son passé n’est effectué. Et non pas pour le plaisir léger d’un dépaysement ! La solution aux problèmes africains : politiques, économiques, culturels, viendra du recours à un certain nombre de valeurs de civilisation africaine authentiquement humaines retrouvées et vécues de façon courageuse. Nécessaires certes, la politique et l’économie ne suffisent cependant pas pour soulever cette vielle terre d’Afrique qui, derrière le néon et les palaces de ses villes, continue à vivre au néolithique. Les Romains disaient : quid leges sine moribus ? transposons : quid politica et oeconomica sine hominibus, que valent la politique et l’économie sans les hommes (pas n’importe lesquels). Seulement ceux-là qui sont capables de renaître aux valeurs africaines de culture. Pas n’importe lesquelles. Les valeurs authentiquement humaines façonnées au coin de l’universel.

Le regard fixé sur le futur, un pied dans le présent, l’autre dans le passé qui traverse le présent, telle est la posture du « renaissant ». Ce passé auquel il retourne n’est pas pour lui un refuge contre la morosité du présent. Stock précieux de l’expérience des générations, il lui sert seulement des points d’appui pour la conquête du futur que, présent éternel, le passé toujours entrevoit. En tout cas, c’est cela que l’occident en crise d’identité avait saisi dans les humanités gréco-romaines. Dans les moments de grand équilibre de la Grèce et de Rome, celles-ci peuvent bien apparaître comme une quête pathétique du sens de l’homme. L’effort émouvant d’une communauté culturelle pour connaître et déchiffrer le destin de l’homme posé comme valeur absolue, idéal supérieur à réaliser.

La découverte de Rome et de la Grèce antiques par l’occident enlisé dans la civilisation d’un Moyen-Age qui commençait à manquer de perspectives éclaira soudain ce qu’aux Lumières, et déjà sous Rabelais, on allait appeler les « ténèbres gothiques » que Rabelais dans sa langue particulière nomme «l’infélicité des Goths ». Pour l’Afrique noire dont le lien généalogique et historique avec les splendeurs de l’Egypte pharaonique est loin d’avoir la linéarité irréfutable qui rattache l’occident chrétien à la Rome de Caton l’Ancien, et à l’Athènes de Socrate et de Platon, de Thémistocle, de Périclès et de Thucydide, par delà l’Illiade et l’Odyssée d’Homère, renaissance voudra dire retour et recours, non à un passé de gloire souvent imaginaire (en dehors de l’Egypte, mais trop controversée comme production nègre pour être pour les Noirs un pôle d’identification qui incite à l’action). Mais retour et recours à ces valeurs de culture dont on devine l’authenticité et la grandeur humaine à travers les fragments que, parfois, par bonheur, il en reste après leur broyage par la traite négrière et la colonisation. Ce sont ces valeurs là qu’il va falloir que l’Afrique inventorie, et reconstitue (car il n’en reste que des fragments) pour, ensuite, une fois qu’elles auraient été coulées dans les manuels scolaires, les inculquer aux écoliers et aux étudiants des facultés. Travail de longue haleine, d’investigation patiente, prudente, historique autant qu’anthropologique, psychologique autant que sociologique. Jusqu’à ce que l’Afrique mutilée soit à nouveau rassemblée et s’approprie sa culture, et que la sève de celle-ci la libère de tant d’impedimenta (obstacles, pesanteurs) venus d’une histoire torturée et de traditions brouillées.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Voila du travail pour vous et vos collègues, Professeur!
Il serait temps pour renaître que l'Afrique admette son originalité du fait de son histoire particulière et aussi de la difficulté à être vraiment elle même, parceque résistant difficilement du point de vue de la culture aux vents extérieurs, les moins bon bien sur. Qui ne voudrait pas d'un apport bénéfique dût-il venir d'ailleurs?
Comme vous le dites un travail profond doit être fait au niveau des sciences humaines.Elles ne permettront peut-être pas d'établir des certitudes, mais de ces recherches émaneront des hypothèses à partir desquels des reflexions seront menées quant au choix de société le plus recommandable.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.