vendredi 23 novembre 2012

La sorcellerie, fille de la misère sociale, de l’ignorance et de la peur


Elle s’observe dans tous les âges de l’histoire, dans toutes les sociétés qui ont, de la nature, une connaissance insuffisante et où la misère économique est grande. La sorcellerie, dans la grande diversité de ses formes d’expression, est phénomène social universel. Elle s’observe dans toutes les cultures, dans toutes les communautés humaines. Elle est, comme la raison, la chose la mieux partagée du monde; mais elle en apparaît comme la forme dévoyée, viciée, son côté des ténèbres.

La variété des formes d’expression de la sorcellerie découle de la grande variété des visions du monde de sociétés et des logiques culturelles de celles-ci. Elle est en concordance du monde, d’autre part, avec le niveau de civilisation matérielle de celles-ci. Il apparaît alors que les sociétés, au plan de la technique et de la technologie, au plan de la formation intellectuelle les plus avancées, développent
une sorcellerie plus sophistiquée dans ses formes, dans les interprétations qu’elles en donnent. La franc-maçonnerie, par exemple et la Rose-croix des sociétés industrialisées peuvent bien apparaître comme les formes évoluées de la sorcellerie primitive restée telle dans les sociétés intellectuellement et spirituellement peu évoluées de l’Afrique noire, de l’Amérique latine et d’Asie. C’est ici que, envers ténébreux de la magie noire, la sorcellerie trouve son milieu le plus favorable à sa structuration et à son maintien dans ses formes primitives et sauvages: la misère sociale, économique, politique et intellectuelle qui libère l’imagination, la folle de logis, pour parler comme Pascal. La folle du logis et sa représentation fantasmée du monde.
Qui ignore que l’idéal autant que le matériel est force sociale agissante qui guide la marche des sociétés humaines? Qui ignore le mystérieux pouvoir de la parole proférée? Le sorcier, on le sait, s’en sert merveilleusement. La parole est le commencement absolu de l’acte. «ln principio erat verbum », nous rappelle Jean l’évangéliste. Fille de la raison, (les animaux ignorent la sorcellerie), la raison seule peut faire échec à la sorcellerie. Difficilement dans les sociétés arriérées, à cause de la présence envahissante d’une imagination peu éduquée, qui entretient la peur et les angoisses où se fabriquent les fantômes. Les résultats étant meilleurs dans les sociétés évoluées, parce que, ici, le haut niveau de réflexion critique réduit le cercle de l’imagination identifiée comme faculté merveilleuse, certes, mais dangereuse en même temps.
Dans ces sociétés évoluées, à cause du mystère de l’univers que les prouesses de la science ne parviennent, cependant, pas à déchiffrer totalement, les réponses aux questions suscitant sans cesse de nouvelles interrogations, dans ces sociétés évoluées donc, presqu’enfin rendues à la raison, la sorcellerie, fille de l’ignorance, s’est muée en des formes «civilisées », mais qui laissent entière la peur et l’angoisse, qui sont le terreau de la sorcellerie. Le grand avantage de ces sociétés évoluées, c’est que la sorcellerie, plus éduquée, ne vise plus à tuer l’autre qui, ici, a cessé d’être une menace pour ma sécurité; la sorcellerie des sociétés civilisées est, au contraire, moyen de connaissance du mystère de l’univers et du monde, pour faire reculer la misère du monde (la franc-maçonnerie, quand elle ne se dégrade pas en magie noire grimaçante). Elle a cessé, ici, d’être une activité maléfique au service des ambitions d’esprits malins travaillant à dominer et à posséder le monde, comme le fait la sorcellerie fruste des sociétés primitives où la peur et l’angoisse, nées de la misère et de l’ignorance, sont tournées en moyen de soumission de l’autre.

Se pose alors, pour l’Afrique évangélisée, la question du poids de la foi. Enracinée dans de solides convictions, celle-ci est un merveilleux antidote contre la sorcellerie sauvage si paralysante pour l’action et destructrice du lien social. Le Christ, qui est au centre de la foi chrétienne, rassure les fidèles: «N’ayez pas peur... J’ai vaincu le monde - Je vous donne ma paix...». L’existence d’une intense activité sorcellaire en milieu chrétien est alors révélatrice de la faiblesse de la foi des chrétiens qui s’y adonnent. L’imagination l’emporte sur la raison critique. Le poids de la tradition étouffe une croyance chrétienne d’importation.

En fait, pour que cessent ou évoluent en quelque chose de positif, les croyances et les activités de sorcellerie, il faut que, de toute nécessité, soit assurée la sécurité psychologique de la société, laquelle dépend d’une vie matérielle sécurisée dont, justement, la réalisation relève du devoir chrétien. Et si le chrétien a peur des fantômes et des mirages, qui bâtira la maison? Une chose, pour finir: il est probable qu’existent, dans nos sociétés, des sujets d’une grande intelligence mais méchants, et supérieurement doués, pour faire du tort à leurs semblables dont ils supportent mal la réussite sociale
ou la beauté physique, dans de mystérieuses opérations d’envoutement dont ce n’est pas le lieu d’en décrire les mécanismes. Cependant, il y a lieu de penser que, seule, notre imagination angoissée décuple leur nombre: on croit les rencontrer à tous les coins de la rue, partout. Il n’en est certainement rien. En fait, que l’économie s’assainisse et la politique, dont la mauvaise santé toujours affole, et la sorcellerie sauvage et mal régulée relèvera, bientôt

vendredi 16 novembre 2012

Le jeune opposant...

Chers lecteurs, rarement je m'adresse à vous directement, mais il pourrait sembler que vous abandonner ainsi, sans nouvelles pendant près de dix semaines relève de l'inconsidération ou de l'incorrection. Non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit, je vous assure. Peu importe, je vous prie d'accepter mes excuses et je souhaite à l'avenir être séparé de vous le moins longtemps possible. Ainsi, pour renouer avec vous, petite communauté de fidèles, je vous propose quelque chose d'inhabituel, bien que restant du domaine de l'écrit. Le registre, pour ce texte-là uniquement, passe de l'article de réflexion à la fiction. De cette ébauche née d'une improvisation quel est le destin? je n'en sais vraiment rien. Sera-t'il suivi? On verra.

Comme c'est la première fois, j'en profite également de vous remercier de votre soutien et de votre présence auprès de Dominique Ngoïe-Ngalla et moi même dans cette modeste aventure.

Cunctator.


Un jeune opposant...


L’autre jour, alors que je profitais de l’agitation du weekend end pour me détendre l’esprit, flânant à travers les quartiers de la ville, posant le regard sur l’insolite sans négliger le régulier, riant en mon âme des étrangetés à qui cette ville, le plus beau des théâtres, comme peu de villes, propose un spectacle où les génies du comique rivalisent avec les princes du drame, j’entendis, près d’une place célèbre, le son d’une voix amplifiée par ce qui d’assez loin semblait d’énormes hauts parleurs. Je traversai les quelques rues qui me séparaient de la place où j’arrivai bientôt. Une foule était assemblée qui écoutait sagement le discours d’un jeune homme dont les propos, en plus d’être scandés, étaient accompagnés de gestes et d’expressions qui me firent tellement penser aux sorciers grimaçants des mauvais films sur l’Afrique qu’il gagna ma sympathie. Je décidai donc de l’écouter. Malgré la distance à laquelle je me trouvais du promontoire où ce jeune homme était installé, je pus deviner sa maigre silhouette que n’arrivait pas à dissimuler un imperméable trop grand. En même temps que j’écoutais son discours fort animé sur la nécessité d’ériger un nouvel ordre politique dans un pays africain aux grandes potentialités humaines et économiques, mais barbotant dans la misère et le désespoir parce que mal exploitées, orientées non pas pour le bien être commun, mais pour celui d’un gang de voyous, les hommes du pouvoir, tous riches en millions. je prenais quelques photos. Articulée avec une maitrise qui assurait la cohésion de ses différentes parties, cette harangue m’appris bien de choses en peu de temps et stimula ma curiosité. Je me renseignai auprès de mes voisins dans la foule et je sus le nom de celui qui m’apparut comme un jeune opposant plein de hargne et de détermination. Je continuai mon chemin plein d’enthousiasme et heureux que le hasard m’ait conduit à cet endroit. Entendre ce garçon me fit changer d’avis sur la jeunesse qu’en principe je blâmais d’avoir rangé les idéaux dans les placards de l’histoire.

Ce garçon, dont la douceur presqu’enfantine des traits rivalisait avec la gravité de son discours ne devait pas avoir plus de 25ans, mais semblait déjà si loin de la distraite jeunesse. Le charme chez ce politique déjà au large de la vie quoiqu’à peine né, démontrant une assurance et une fermeté que seule l’expérience accorde, c’est qu’en même temps il dégageait une sorte de pureté, de candeur et de foi tellement vives qu’il était clair que chez lui les considérations tactiques, la nécessité de gagner des positions, les compromis et les renoncements propres à la nécessité de l’action n’avaient pas encore corrompu son idéalisme. La verdeur en politique, malgré les erreurs de jugement et de positionnement qu’elle entraine fatalement chez les esprits entiers, est d’une grande utilité aux appareils politiques ; ils profitent du feu dont brûlent les jeunes gens impatients de se battre pour des idées qu’ils viennent fraichement de découvrir ou comprendre, mais dont les plus brillants ont toujours eu une compréhension intuitive. C’est ces derniers qui sont aux premières lignes pour répandre la bonne nouvelle et gagner des militants. Les jeunes s’identifient naturellement à eux et ont attirés par la parole qu’ils portent et l’encadrement idéologique qu’ils finissent par faire lorsque leurs partis sont vraiment politiques.

Une fois chez moi, je fis une recherche concernant ce jeune opposant sur l’internet. J’appris qu’il militait depuis quelques années maintenant et qu’il avait été Secrétaire Général de la Jeunesse du Mouvement Patriotique Congolais, le premier parti de l’opposition de ce pays. Après quelques années au sein de ce parti, un désaccord sur l’attitude de certains cadres vis-à-vis du pouvoir lui fit claquer la porte de cette institution au sein de laquelle il avait tout appris en termes de politique. Avec quelques amis qu’il réussit à convaincre de la nécessité de quitter un parti miné par les divisions et les querelles de généraux, il fonda un parti. Ils le voulaient porteur d’une nouvelle façon de mener leur lutte contre un pouvoir illégitime et nocif, peu convaincus de l’efficacité des méthodes modérées de la ligne dominante du parti, celle des cadres dont ils désapprouvaient l’attitude, pour l’atteinte de leur ultime objectif, le retour à des institutions républicaines.

Cunctator.

 

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.