vendredi 5 mars 2010

Au pays de la monarchie de droit divin, les inamovibles rois fainéants.

La guerre froide finie, les antagonismes Est-Ouest enterrés, les régimes socialistes-communistes se virent balayés par un vent de liberté qui provoqua des changements institutionnels considérables et poussa les pays autrefois rouges à adopter un mode d’organisation inspiré du libéralisme occidental qui exige non seulement, une gestion économique rigoureuse et rationnelle, mais encore, et surtout, la séparation des pouvoirs, la pluralité des représentations politiques (fin des monopartismes) et l’instauration d’un système favorable à l’alternance politique : la possibilité d’élections libres et ouvertes où les vainqueurs sont ceux dont le programme de gouvernement emporte l’assentiment de la majorité des électeurs. Ce vent qui souffla d’abord en direction de l’Est ne manqua pas d’atteindre l’Afrique, au Sud, où en ce qui concerne sa partie francophone, le discours de La Baule prononcé par le Président François Mitterrand le 20 juin 1990 à l’occasion du seizième sommet France-Afrique, annonçant un remodelage des relations de la France et de ses amis d’Afrique, enseignait aux Africains, auxquels une aide serait désormais apportée en fonction de réformes institutionnelles, la nécessaire articulation du développement et du progrès à la démocratie.

Le discours fût bien compris, puisqu’on vit ici et là se tenir des Conférences Nationales Souveraines, sortes d’Etats Généraux de la Nation à partir desquels seraient dessinés les nouveaux régimes démocratiques. Pas un Africain ne vit là une chance d’accéder enfin à une démocratie véritable, moyen efficace, parmi tant d’autres bien entendu, d'accéder au développement et pour en finir avec les présidents éternels.

Vingt ans après malheureusement, ce rêve ne s'est pas réalisé, les démocraties naissantes ont été escamotées pour la grande majorité des Etats africains. Les dirigeants pré-démocratiques de ces républiques demeurées bananières n’étaient devenus démocrates que par déguisement, gardant sous la panoplie du parfait démocrate, assumant ses erreurs et requérant le pardon du peuple, tout du vieil homme des Evangiles. Ils ne voulaient pas changer, l’histoire nous l’a montré. Le Congo-Brazzaville par exemple a connu des élections libres au sortir de sa Conférence nationale, le Président Sassou s’en étant allé par le pouvoir des urnes revint cinq plus tard, cette fois non pas par les urnes comme le fit Mathieu Kerekou au Bénin, mais à la faveur du canon et du crépitement de la Kalachnikov meurtrière ; Omar Bongo, Mobutu et bien d’autres, par des manipulations savantes restèrent seuls maîtres à bord jusqu’à qu’à sa mort pour le premier, et jusqu’à ce qu’il fut chassé du pouvoir pour le second. Pour le reste nous savons tous l’affaire.

Aujourd’hui il semble que démocratie et alternance au pouvoir relèvent de l’exception en Afrique tant nous avons des Présidents passés maîtres dans l’art de modifier les constitutions afin d’être élus ad vitam aeternam, et que tout le monde, sauf au Niger, semble s’en accommoder, même l’Union Africaine dont la gestion timide de la crise politique du Zimbabwe (2007-2008) nous a prouvé la faiblesse. Il faudrait croire à l'instar de ce que croyaient les rois de droit divin des monarchies absolues que l’autorité de nos monarques, pourtant versés dans les sciences occultes (certains d’entre eux sont grands maitres), vient de Dieu lui même et non du peuple en principe souverain. Personne d’autre que Dieu lui-même alors ne peut arrêter ce pouvoir ni en demander des comptes. Leur pouvoir limité par aucune force ou institution temporelle leur donne le loisir d’agir selon leur désir, se moquant bien souvent de la bienseillance, de l’éthique et de leurs responsabilités.

Exerçant un pouvoir d’autorité divine, il est donc normal que ce pouvoir ils l’exercent jusqu’à la fin de leurs jours. Quand il leur reste un brin de politesse, ils modifient les Constitutions et organisent des élections que, de toute évidence, ils remporteront toujours. Une limitation de mandats prévue par la constitution ? Rien n’est plus facile à faire sauter pour nos rois inamovibles ; une modification constitutionnelle lorsqu’elle est nécessaire ou une loi suffisent. Ainsi s’arrange-t-on pour durer toujours davantage et pour donner à une dictature de fait un aspect légal et légitime. Lorsque la mort, qui n’a cure ni des privilèges divins ni des pouvoirs illimités, s’annonce ou frappe à leur porte, le pouvoir est transmis aux fils (c’est la résurgence, loin du royaume Franc, puis du royaume de France, de la loi salique instituant la dévolution successorale masculine du trône). Petit à petit les Africains et le reste du monde se familiarisent avec les fils succédant au trône, le pouvoir étant devenu chez nous une affaire de famille qu’on transmet avec le reste de la succession. Pour le moment on n’en compte que trois mais d’ici quelques années, sauf bouleversements majeurs s’ajouteront les fils Kadhafi, Moubarak pour les plus sûrs ; d’autres pour le moment ne sont vus que comme potentiels successeurs de leurs pères présidents.

Hormis les présidents travailleurs, il s’en trouve en Afrique aussi, une chose m’aurait permis de trouver des excuses aux autres monarques aux mandats plus que trop longs : la félicité qu’ils apporteraient à leurs populations en leur apportant progrès et dignité. L’inclination au consensus reconnu aux africains serait justifiée si ces monarques travaillaient à changer le quotidien des populations dont, au contraire, ils se sont avérés le fléau. Ces mauvais princes sont plutôt destructeurs ; les faits sont tellement connus qu’il devient inutile d’y revenir. Faites le bilan des règnes de Bongo, Eyadema, Mobutu pour les décédés ; de Biya, Sassou, Déby et Mugabe pour les vivants, rien à tirer ! A défaut de travailler à sortir leurs pays du sous-développement, ils s’acharnent à prolonger leurs mandats et travaillent ainsi à l’épaississement de leurs fortunes et à la paupérisation de leurs sujets. C’est ce à quoi servent les revenus de certains pays riches en matières premières que, en bons goinfres, ne s’occupant que de leur gosier, ils oublient de voir comme source d’industrialisation, peinant à sortir des économies de traite sans réelle valeur ajoutée.

Ces présidents ,à la vérité méchants et peu capables, semblent, d’après leurs discours, justifier leur longétivité par le fait qu’ils représentent un gage de stabilité tant sociale et politique que géopolitique. Après eux le chaos ! Le spectre de la guerre civile est agité et manipulé avec dextérité pour contrer la moindre velléité révolutionnaire. Ils oublient certainement que bloquer de cette façon le jeu politique qu’ils manipulent à leur guise, c’est préparer, dans les pires des cas, des alternances éclatantes et violentes. Tel pour un verrou récalcitrant, la force du marteau est nécessaire. L’Afrique est devenue de ce fait la terre des coups d’Etats à répétition, condamnés certes par ses instances supérieures puis par la "communauté internationale", mais acceptés en dernier lieu. Cette jurisprudence constitutionnelle finira un jour par être consacrée par un texte. On pourra alors lire dans un quelconque article de Constitution : « les coups d’Etats sont autorisés lorsque au-delà de tant de mandats ils s’avèrent le seul moyen de dégrafer un potentat de sa fonction ».

Comme des enfants s’étonnant et s’indignant qu’on porte le blâme sur eux au sujet de leurs bêtises, les auteurs de coups d’Etats, bien que nécessaires quelques fois, et les présidents rétifs quant à l’organisation d’élections crédibles, maugréent quand des injonctions et des orientations leurs sont données d’occident. Cinquante ans après les indépendances, les africains ne sont pas parvenus à être autonomes et responsables quant à la gestion de leurs affaires, ni à ériger des politiques qui soient le reflet de la pensée des indépendantistes. Sans sérieux et sans rationalité politique vous ne gagnerez jamais ni l’admiration des vôtres, ni celles des occidentaux ne voyant en vous que de drôles de vaches laitières, tant vous oubliez de donner la tétée à vos propres petits.


Cunctator.

Par Dominique Ngoïe Ngalla et Philippe Cunctator qui nous livrent leurs réflexions sur le monde d'aujourd'hui : de l'Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de Dominique l'âme du poète qui rêve d'un autre monde, mais n'oublie ni les brûlures de l'histoire ni la dure réalité du temps présent...

Quelques ouvrages de Dominique Ngoïe-Ngalla...





L'Evangile au coeur de l'Afrique des ethnies dans le temps court
; l'obstacle CU, Ed. Publibook, 2007 .




Route de nuit, roman. Ed. Publibook, 2006.




Aux confins du Ntotila, entre mythe, mémoire et histoire ; bakaa, Ed. Bajag-Méri, 2006.




Quel état pour l'Afrique, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Lettre d'un pygmée à un bantu, mise en scène en 1989 par Pierrette Dupoyet au Festival d'Avignon. IPN 1988, Ed. Bajag-Méri, 2003.




Combat pour une renaissance de l'Afrique nègre, Parole de Vivant Ed. Espaces Culturels, Paris, 2002.




Le retour des ethnies. La violence identitaire. Imp. Multiprint, Abidjan, 1999.




L'ombre de la nuit et Lettre à ma grand-mère, nouvelles, ATIMCO Combourg, 1994.




La geste de Ngoma, Mbima, 1982.




Lettre à un étudiant africain, Mbonda, 1980.




Nouveaux poèmes rustiques, Saint-Paul, 1979.




Nocturne, poésie, Saint-Paul, 1977.




Mandouanes, poésie, Saint-Paul, 1976.




L'enfance de Mpassi, récit, Atimco, 1972.




Poèmes rustiques, Atimco, 1971.